Sommes-nous à la veille d’une révolution ?

Selon les gauchistes, la révolution doit faire tomber le régime, la société même,  comme des fruits mûrs. Rares sont cependant les fruits de cette espèce qui tombent sans qu’on les pousse un peu tant l’inertie du conformisme l’emporte sur l’ardeur du changement. Cette résistance à la chute est due à ce que Richard Nixon avait appelé la “Majorité silencieuse”. Cette formule est très significative. Elle implique que dans une société donnée, ce sont les minorités qui parlent et qui agissent. Une démocratie n’est donc qu’une apparence dans la plupart des cas puisque la majorité du peuple ne s’exprime que périodiquement. Dans l’intervalle, ce sont des minorités qui gouvernent, ou s’opposent au gouvernement avec l’espoir de le remplacer à l’occasion d’une élection, ou de manière plus radicale, en désirant renverser le régime, voire bouleverser la société. Certains pays, comme la Suisse, s’approchent de l’idéal démocratique, qui permettent à la majorité de s’exprimer très souvent à travers des référendums, d’autres s’en éloignent par l’organisation de scrutins, plus ou moins espacés, destinés à élire des responsables politiques, plus ou moins “représentatifs”, cette notion elle-même étant discutable. Dans tous les cas, l’opinion publique est conditionnée par des moyens de formation et d’information détenus par des minorités. Lorsqu’il y a adéquation entre la minorité qui tient le gouvernement ou plus largement domine le système et celle qui détient les leviers de la pensée par la censure ou par la propriété, il faut des circonstances exceptionnelles, comme une guerre calamiteuse ou une crise économique considérable, pour faire tomber le régime et transformer la société. Ainsi en a-t-il été de la Russie tsariste en 1917, passée en quelques mois entre les mains des bolcheviques qui n’étaient nullement majoritaires dans le pays, ni même parmi les révolutionnaires malgré leur dénomination trompeuse.

Bien d’autres révolutions eurent lieu effectivement parce que l’inertie de la majorité silencieuse a été bousculée par la réunion de trois facteurs : d’une part, la minorité au pouvoir était affaiblie de l’intérieur par la corruption, par les contradictions entre l’idéologie proclamée et les comportements des gouvernants, en second lieu, les moyens de diffusion de la pensée étaient détenus par des opposants de telle sorte que des idées nouvelles favorables à un changement l’emportaient jusque dans la sphère dirigeante, et enfin une minorité de rupture existait qui saisirait l’occasion, celle d’une guerre ou d’un mouvement de foule, par exemple, pour s’emparer du pouvoir. Il a fallu trois ans pour que les Jacobins instaurent la République en France. La monarchie est tombée comme un fruit mûr. Quelle qu’ait été pendant un siècle encore l’opinion majoritaire qui permit à des majorités monarchistes de l’emporter lors d’élections, et à des régimes monarchiques de se succéder, on n’est jamais parvenu à accrocher à nouveau le fruit à son arbre. 1792 a toujours fini par s’imposer jusqu’à faire croire que la République était le stade ultime de l’histoire de France, une République assagie par rapport à la Terreur, certes, mais bourgeoise et brandissant toujours ses vieux idéaux concoctés dans des cénacles étroits.

La France connaît-elle à nouveau une période révolutionnaire ? Les éléments en sont réunis : La caste dirigeante n’inspire plus aucune confiance et ne s’appuie plus sur aucune conviction. Elle passe d’une mode idéologique à une autre et croit faire preuve d’ouverture quand elle révèle sa vacuité. Peu à peu ses “valeurs” explosent et se transforment en leurs contraires sans même que ceux qui s’y réfèrent paraissent s’en apercevoir. La liberté n’est plus l’autonomie rationnelle du citoyen qui lui permet de choisir la loi à laquelle il obéira, mais la libération des désirs, l’émancipation des individus, des communautés. L’égalité n’est plus celle des droits entre les citoyens, l’égalité des chances, mais celle des individus sans considération pour leurs mérites.  La laïcité n’est plus la neutralité de l’Etat face aux croyances spirituelles, mais la négation active de celle qui est liée à l’identité même du pays. Au nom de l’urgence climatique ou sanitaire, de la lutte contre le racisme, on multiplie les interdits. La liberté recule tandis que l’égalité ne se limite plus à l’effacement des hiérarchies même indispensables mais à leur inversion selon le principe de la discrimination positive. La formation et l’information sont les vecteurs de ce renversement. La censure a changé de camp. Les groupes minoritaires réclamaient leur droit à la parole face au courant majoritaire, conservateur du socle de valeurs sur lequel repose notre société. Désormais ce sont ces groupes qui ont envahi les plateaux des chaînes d’information, les salles de conférence des universités, et les livres d’histoire qui interdisent aux conservateurs de s’exprimer. C’est ainsi  que Sylviane Agacinski a été censurée à l’université Bordeaux Montaigne (UBM) parce qu'” il serait dangereux d’offrir une tribune à une personne digne de la manif pour tous”. De procès perdu en procès gagné, Zemmour a offert un bel exemple de résistance à ce renversement grâce au soutien d’un large public, mais il ressemble terriblement à une exception qui confirme la règle quand on voit la quantité de nullités qui ont le droit de s’exprimer sous prétexte par exemple que la couleur de leur peau n’est pas majoritaire en France. Le désir d’abattre les statues qui jalonnent l’histoire de notre pays atteint le paroxysme de ce mouvement suicidaire : la Voix du Nord retranscrit sans réserve la volonté d’une poignée d’excités de faire tomber la statue du Général Faidherbe à Lille en oubliant que celui-ci a évité par ses combats l’occupation du Nord par les Prussiens en 1870, après avoir été Gouverneur du Sénégal et avoir à ce titre développé cette région de l’Afrique. Quand bien même le second point serait discutable, le premier ne l’est pas.

L’addition des minorités ne constitue pas une majorité de gouvernement : on n’imagine pas une alliance entre les LGBT, les islamistes, les antiracistes, et les antifas dont les revendications sont souvent contradictoires. Il y a quand même une convergence de fait pour affaiblir notre société, son unité, son identité, démoraliser sa population. C’est là un terreau révolutionnaire dont un jour ou l’autre une minorité organisée pourrait profiter, car le fruit trop mûr, pourri sur sa branche, sera prêt à tomber.

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13 commentaires

  1. La plupart du temps, pour qu’une révolution se déclenche, il faut que le peuple ait faim.
    ” Un chien ne mord pas la main qui le nourrit “

  2. Je suggère que l’on réforme la formation et le recrutement des journalistes; On leur enseigne les techniques, mais rien sur le contenu, ni sur l’éthique et la responsabilité…et on n’exige pas d’eux une solide culture générale : Philosophie, Histoire, Géographie , et simple connaissance approfondie de la langue française ! Les médias ne cherchent pas l’information mais l’audimat …quand ils ne servent pas simplement la propagande, ou la satisfaction des instincts les plus bas de la société. “Quand on donne à un peuple ce qu’il demande, on l’abaisse, quand on lui offre mieux, on l’aide à s’élever” Or la démocratie ne peut fonctionner qu’avec un peuple éveillé, instruit , informé… sinon on va droit à la démagogie et à la tyrannie.

    1. C’est plus grave que ça ! Sciences po et les écoles de journalisme sont infestés par des profs de gauche et par la pensée gauchiste et déconstructionniste.

      1. L’Education nationale est infestée par la pensée gauchiste. Nos enfants sont confiés à des gens qui, aujourd’hui , ne se privent plus de diriger leur pensée dès le plus jeune âge. Ils n’ont pas le droit de s’exprimer par la parole mais emploient des subterfuges pour les orienter : écologie, anti-spécisme, alimentation végane, humanisme de salon sans oublier le “vivre ensemble”. Je crains que certains messages engagent nos jeunes vers l’abîme stérile de la pensée unique. Ainsi conditionnés, ils ne pourront plus penser par eux-mêmes sauf si les parents attentifs leur apportent une version différente qui puisse les inciter à réfléchir et se forger une opinion personnelle mais bien peu de parents, pour le malheur de la France, se penchent sur le contenu des sujets développés en cours ! et lorsque que les parents ne sont pas là, c’est la rue qui les remplacent pour répondre à leurs interrogations ou la mosquée ou même la pègre !

  3. Le tout est plus que la somme des parti(e)s

    Mais…
    L’addition des minorités ne constitue pas une majorité de gouvernement : on n’imagine pas une alliance entre les LGBT, les islamistes, les antiracistes, et les antifas dont les revendications sont souvent contradictoires.
    Il y a quand même une convergence de fait pour affaiblir notre société, son unité, son identité, démoraliser sa population.
    C’est là un terreau révolutionnaire dont un jour ou l’autre une minorité organisée pourrait profiter, car le fruit trop mûr, pourri sur sa branche, sera prêt à tomber.

    Christian Vaneste

  4. La révolution dont nous avons besoin serait une révolution libérale. Une révolution qui s’en prendrait aux règles, normes, taxes, interdits, etc.. qui entravent la liberté d’innover, de produire, d’épargner ou de consommer. Une loi d’exception qu’on pourrait justifier par le virus, qui suspendrait toutes ces entraves pendant quelques mois permettrait au pays de rebondir.
    Mais pour imaginer une loi d’exception faisant suite à un événement exceptionnel, il faudrait un homme exceptionnel aux commandes. Il fait hélas défaut.

    1. Certaines règles ont des particularités qui leur permettent de créer de l’auto-organisation ou qui autorisent un “constituant” un individu, un catalyseur, un groupe même restreint à avoir une influence VISIBLE sur tout le “système” . Ceci permet de repousser la limigte au-delà de laquelle les actions individuelles sont noyées dans la masse et ajoutent au chaos.
      Et nul besoin dans le contexte actuel d’un “homme providentiel !

  5. “Dans une société donnée, ce sont les minorités qui parlent et qui agissent. Une démocratie n’est donc qu’une apparence dans la plupart des cas puisque la majorité du peuple ne s’exprime que périodiquement. Dans l’intervalle, ce sont des minorités qui gouvernent, ou s’opposent au gouvernement avec l’espoir de le remplacer à l’occasion d’une élection, ou de manière plus radicale, en désirant renverser le régime, voire bouleverser la société”

    C’ est tellement vrai. Une des meilleure analyse qu’ il m’ a été donné de lire.

  6. Plutôt que de déboulonner certaines statues, j’en connais qui feraient mieux de s’investir pour en ériger d’autres représentant des personnes qui toute leur vie ont lutté pour la défense des opprimés !
    Le malheur, c’est leur manque d’éducation les empêche de connaître parfaitement le rôle joué à la fois par les unes et par les autres.

  7. Il n’y a en fait qu’une seule question vraiment politique.
    D’ailleurs d’un point de vue historique et philosophique, cette question est si totalement et globalement politique qu’elle évince toutes les autres …
    Et c’est cette question qui peut -enfin- faire tomber CE régime et l’empêcher de se reconstruire instantanément ! 😉
    Francis-claude Neri

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