La désignation de Valérie Pécresse comme candidate de LR à l’élection présidentielle est intéressante. Elle permet de distinguer les deux niveaux de la politique, celui des idées, des valeurs qui fondent les familles politiques, et justifient les clivages entre elles, et celui de la stratégie en vue du pouvoir. Dans le cas des élections au scrutin proportionnel, l’existence de listes portant une étiquette liée plus ou moins à un ancrage idéologique permet de mesurer leur importance dans une population. Ensuite, les élus qui font carrière et sont les mieux placés par le parti qui établit la liste, formant rarement une majorité à eux seuls, sont obligés de s’entendre pour réunir des coalitions de gouvernement, avec parfois des compositions baroques comme en Israël ou en Belgique, ou après des négociations âpres comme en Allemagne où la proportionnelle est partielle. Le pouvoir rabote l’idéologie. Dans le cas d’élections uninominales à un tour chères aux anglo-saxons, la logique conduit à l’existence de deux partis principaux qui alternent au pouvoir. Cette fois le basculement politique est net, et les compromis plus rares en dehors de circonstances exceptionnelles, mais à l’intérieur des formations politiques, l’idéologie est plus souple et se traduit par des courants qui sont plus ou moins puissants suivant l’époque. On se souvient de l’arrivée de “Maggie” à la tête du parti conservateur britannique. En revanche, le souci de l’emporter va rogner les ailes et limiter le choix entre deux centres, droit ou gauche, l’extrémisme étant exclu. Le populisme a beaucoup de mal à s’exprimer tant la résistance de l’oligarchie politico-médiatique lui fait obstacle comme on l’a vu contre Trump aux Etats-Unis.
La multiplicité des modes de scrutin, tantôt proportionnels relatifs, tantôt uninominaux à deux tours en France a empêché le bipartisme. Le coup d’Etat médiatico-judiciaire, piloté par les amis du président élu, a augmenté encore la confusion en donnant la majorité parlementaire à un ramassis de socialistes sauvés des eaux, de carriéristes de “droite” saisissant l’opportunité, et enfin d’illuminés de la société civile ayant cru trouver leur “messie”, propulsé à l’Assemblée Nationale par la réforme qui a situé le vote au lendemain de l’élection présidentielle que les électeurs ne désavouent jamais aussi vite. On aboutit donc à une multitude de formations politiques issues des scrutins proportionnels et qui viennent se bousculer pour une élection présidentielle à deux tours où ne subsistent au second que les deux candidats arrivés en tête au premier. L’idée d’un homme devant le peuple en dehors des partis, chère au Général de Gaulle, a été abandonnée de manière pragmatique pour offrir d’abord un jeu à quatre partis, PCF, PS, UDF, RPR, en raison des deux tours, ce qui était logique. C’est l’éclatement qui culmine aujourd’hui. Un candidat inattendu, Eric Zemmour correspond assez bien à l’idée gaulliste d’origine : un homme face à la menace existentielle qui pèse sur la France. Ses priorités le situent clairement à droite. Mais deux partis importants sont également à droite : le Rassemblement National avec Marine Le Pen et Les Républicains qui refont surface avec Valérie Pécresse. Le premier n’a, jusqu’à présent, servi à l’élection présidentielle, lorsqu’il atteignait le deuxième tour, que de tremplin pour son adversaire quel qu’il soit. Les déconvenues récentes des élections locales, l’opposition de l’oligarchie médiatico-politique, le souvenir laissé par 2017, la tentative de dédiabolisation qui a eu pour effet de décourager des militants, laissaient entrevoir que la mobilisation des électeurs en sa faveur risquait d’assurer la réélection par défaut de Macron. Autrement dit, le vote en sa faveur d’une gauche pourtant hostile à certaines de ses mesures économiques et la concentration du vote patriote dans le choix de Marine Le Pen aboutiraient paradoxalement à faire réélire un homme dont les idées sont minoritaires.
L’irruption d’Eric Zemmour a dissipé le rêve d’une réélection facile pour le sortant. D’une part, il réduit les suffrages de Marine Le Pen, et peut l’exclure du second tour, d’autre part, il redonne une vigueur aux idées que devrait défendre une droite authentique et soucieuse de l’intérêt supérieur de la France non seulement par la défense de son identité, de sa souveraineté et de la sécurité, mais aussi sur le plan économique. La force et la cohérence de son discours ont réveillé Les Républicains qui ont accordé la première place au premier tour et 40% des voix (44 000) au second à Eric Ciotti dont les idées sont peu éloignées des siennes. Cornaquée par Patrick Stéfanini, Valérie Pécresse a musclé ses propositions et utilisera Ciotti pour les rendre crédibles. Il ne serait pas absurde d’imaginer que le parti qui a largement gagné les élections locales, demeure le plus important de l’opposition et dispose de relais dans le pays supérieurs à ceux de ses concurrents, place son  candidat au second tour de l’élection présidentielle. Le choix d’une Femme est habile lorsqu’une démarche s’appuie davantage sur des processus publicitaires que sur des débats de fond. Bref, M. macron doit se faire du souci. L’électorat de la droite molle qui avait stupidement rallié la macronie peut se reprendre. Mais, si d’aventure Valérie Pécresse, avec du Zemmour adouci, et une personnalité plus rassurante, pouvait être élue, on risquerait évidemment de connaître l’expérience vécue avec les Chirac et autres Sarkozy d’une victoire électorale de la “droite” suivie d’une politique alambiquée de mesures tronquées ou retirées devant les réticences. Certes, la politique de quotas d’immigration, déjà envisagée, mais non réalisée par Sarkozy peut satisfaire certains, mais la véritable lutte contre le “grand remplacement” passe évidemment par des mesures autrement radicales fondées sur l’abolition du droit du sol, la fin du regroupement familial, la déchéance de nationalité qu’on imagine mal mises en oeuvre par la Présidente de l’Ile-de-France qui a toujours été plus attachée à une image conformiste qu’à des idées nécessaires mais dérangeantes.