Trump va-t-il redessiner le monde ?

La meute des commentateurs qui précipite la décadence de l’Occident au nom de ce qu’ils appellent le progrès se réjouissait. La victoire de Trump à la fin de l’année dernière l’avait douchée, obligée à plus de retenue, mais ni le style, ni le caractère de l’homme n’avaient changé. Les déclarations tonitruantes, les gesticulations insensées, les contradictions et les premiers échecs faisaient réapparaître le matamore que l’on pouvait couvrir de sarcasmes. En fait, Trump bouleverse la politique mondiale et la plupart des membres de cette prétendue élite médiatique, universitaire et politicienne qui nourrit la pensée dominante ne le comprennent pas.

Pour eux, Trump incarnait seulement le populisme borné de ses électeurs de l’Amérique profonde, le contraire de l’État profond qui règne à Washington, là où des sachants sont légitimes pour diriger les autres. L’isolationnisme républicain dans cette logique allait succéder à l’impérialisme des néoconservateurs et à la prétendue croisade démocratique qui voulait faire tomber les régimes récalcitrants. Aussi, lorsque les B2 ont bombardé les sites nucléaires iraniens, le 21 juin 2025, ils ont cru que le rideau se déchirait, que Trump, une fois de plus faisait le contraire ce ce qu’il avait annoncé et démentait une promesse faite à son électorat. Le scénario est plus subtil, et Trump plus complexe. Son objectif reste le même : mettre l’économie à la place de la politique et de l’idéologie, au centre des relations internationales, et assurer aux États-Unis un rôle primordial dans le dispositif. Dans ce but, il adopte un réalisme à la Kissinger qui tourne le dos à la politique à la fois idéologique et cynique des démocrates. Ces derniers, à travers les révolutions de couleur ou le printemps arabe, voulaient imposer la triple domination des valeurs progressistes confondues avec la démocratie, de l’hégémonie américaine et du roi Dollar, la légitimité de celui-ci étant pourtant de plus en plus affaiblie par les déficits et la dette. Face à la révolte qui montait et prenait une forme structurée avec les BRICS, Trump, en même temps qu’il veut renforcer la puissance économique des États-Unis avec une réindustrialisation, une réduction des dépenses superflues et un arrêt de la facilité créée par la main d’œuvre immigrée, cherche à mettre fin aux conflits coûteux et inutiles en Europe comme au Moyen-Orient. Simplement, au lieu de prêcher la paix, il agit. La frappe sur l’Iran est un modèle qui réunit trois signes très forts : d’abord, la puissance technique et militaire unique de l’armée américaine dans une démonstration parfaitement réussie que l’on peut comparer avec le désastre du sauvetage des otages américains de l’ambassade de Téhéran en avril 1980, sous le malheureux Jimmy Carter ; ensuite l’habileté stratégique de l’opération qui a été conduite brutalement depuis l’ouest alors que des leurres avaient été déployés à Guam, à l’est et que Trump paraissait donner quinze jours de répit aux Iraniens ; enfin, la finesse surprenante de la diplomatie qui n’écrase pas le régime des mollahs en l’invitant à vendre son pétrole plutôt que de bloquer le détroit d’Ormuz dans une action désespérée. La plupart des pays arabes ou musulmans du Moyen-Orient ont approuvé la manœuvre, quand ils n’y ont pas participé en défendant les bases américaines du Qatar, et les Accords d’Abraham semblent à nouveau dessiner l’avenir de la région. Israël peut participer à l’essor économique sans qu’on s’embarrasse d’un État palestinien impossible, d’un nationalisme arabe révolu et d’un expansionnisme islamique dangereux pour tout le monde. Trump compte moins sur la révolution pour ce faire que sur la convergence des intérêts des gouvernements et des populations. Même la dictature islamique de Téhéran, battue par Israël et par l’intervention américaine a pu proclamer sa victoire en affirmant qu’elle avait tiré la dernière. Une défaite, sans cette humiliation que les bellicistes médiatiques évoquent sans cesse, laisse place à une solution raisonnable. Une telle réussite ne pouvait qu’inciter la médiocratie progressiste à nier l’exploit militaire au risque d’une trahison envers le patriotisme que le Secrétaire à la défense, Pete Hegseth a fustigée véhémentement.

C’est dans le même sens sans doute que Trump envisage l’avenir du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Celui-ci ne pourra se poursuivre sans une aide américaine qui n’a pas été promise lors du sommet de l’OTAN à La Haye, les 24 et 25 juin 2025. Fort du succès de l’opération “Marteau de Minuit”, Trump a dominé la réunion au cours de laquelle les membres se sont soumis à l’injonction d’augmenter leurs budgets militaires. Les gouvernements européens et la l’Union Européenne continuent à entretenir la hantise d’une menace russe sur le continent et le fantasme d’une croisade démocratique contre Moscou comme si l’Ukraine était un modèle de démocratie. Seul le délire de BHL déverse encore ces absurdités. Trump et Poutine se respectent parce que ce sont deux patriotes réalistes. Lorsque Poutine aura atteint ses buts de guerre, essentiellement la libération des quatre oblasts revendiqués et de la Crimée, il trouvera un gouvernement de Kiev, privé de ressources militaires, prêt à négocier d’autant plus que nombre de pays européens auront changé de majorité et seront aussi gagné par la volonté d’assurer le rétablissement d’une économie affaiblie par la perte des ressources énergétiques russes et inhibée par l’idéologie écologique. La mobilisation contre la Russie aura été une très bonne affaire pour l’industrie américaine, ses ventes d’armes et d’énergie. L’atterrissage en douceur des États-Unis sur la guerre en Ukraine continuera à inféoder l’Europe à Washington selon la logique du canard sans tête qui continue sa course. Il restera à faire rentrer de nouveau la Russie dans l’économie mondiale en la libérant des sanctions. Mais cela ne sera pas si facile, car si les alliances de la Russie avec des pays voyous peuvent s’estomper comme on l’a vu avec la faiblesse du soutien à l’Iran, ou son désengagement de Syrie, la contestation de la suprématie américaine et du dollar à travers les Brics est d’une autre nature. Elle correspond davantage à la fin de la domination absolue de l’Occident et au réveil des empires liés à d’autres civilisations. Il ne s’agit plus là d’un affrontement militaire mais d’un basculement démographique et économique. La stratégie démocrate a stupidement placé la Russie dans ce camp, ce qui n’était pas évident avec un Poutine au pouvoir. Il est fort probable que la Russie maintiendra cet ancrage, ne serait-ce que dans l’éventualité du retour des démocrates à la Maison Blanche. Si la guerre s’estompera, la compétition économique sera sans doute plus sévère pour les démocraties occidentales et notamment pour l’Europe en total déclin. Quant à la France, sous le pouvoir le plus inepte qu’elle a eu à subir depuis longtemps, elle est le pays le plus atteint d’une Europe malade.

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