La Guerre et les Ecrans.

images (25)L’UNION NATIONALE n’empêche pas la lucidité. Si  tout Français doit ardemment souhaiter l’anéantissement des islamistes fanatiques ou trafiquants qui sévissent actuellement au Sahel, et donc la victoire des troupes françaises engagées en première ligne, obtenue avec le moins de victimes qu’il soit  possible parmi les soldats et les otages, il est nécessaire de se poser certaines questions.

Dans Servitude et Grandeur Militaires, Vigny écrivait : “la parole, qui trop souvent n’est qu’un mot pour l’homme de haute politique, devient un fait terrible pour l’homme d’armes.” On retrouve aujourd’hui la distance entre ces deux mondes, celui où on risque son image et celui où on risque sa vie. L’un mène la guerre sur les écrans, l’autre sur le terrain. Le mot “écran” possède une ambiguïté intéressante. Il est ce qui montre, mais aussi ce qui cache. Les écrans auraient dû montrer cette semaine les images d’une des manifestations les plus importantes de notre histoire, celle qui a rassemblé à Paris sans doute plus d’un million d’opposants au prétendu “mariage” homosexuel confrontées à celles du passage en force autiste de la loi à l’Assemblée. Curieusement, une opération militaire pour libérer un otage détenu depuis trois ans a été déclenchée à une date qui aurait permis, si l’opération avait été réussie, de compenser le poids médiatique de la “manif pour tous” et de restaurer l’image d’un Président, le faisant passer d’un velléitaire sans envergure à un chef de guerre décidé. Elle a échoué dans des conditions déplorables, puisque l’otage n’a pas été libéré, qu’il a sans doute été assassiné, et que deux soldats français sont morts, dont l’un abandonné à l’ennemi. Mais un autre écran, cette fois inattendu, est venu à point reléguer cet échec au second plan tandis que la “manif”et le débat à l’Assemblée tombaient dans les oubliettes de l’actualité et dans l’ésotérisme parlementaire : la guerre au Mali.

Ces évènements font naître une autre question, remplie d’inquiétude : l’opération somalienne a été lancée sur la base d’informations insuffisantes sur le terrain et les forces ennemies. La riposte au Mali a dû être improvisée à la suite d’une offensive islamiste sur le sud du pays avec le risque de le voir entièrement soumis à ces fanatiques. Voilà de longs mois que l’on palabre pour mettre en oeuvre la libération du Nord, et c’est le Sud qui est attaqué. C’est pas Mai 40, mais tout de même.. Les djihadistes sont arrêtés à Konna, à l’est, mais aussitôt, ils prennent Diabali, à l’ouest, en passant par le territoire mauritanien, tandis qu’un autre groupe s’empare d’otages sur un site gazier algérien, en passant cette fois par la Libye. Des djihadistes “français” seraient présents, ce qui évoque l’affaire Merah. Le fil conducteur apparaît malheureusement : la mauvaise qualité du renseignement ou l’impuissance du politique à l’exploiter. Les exemples abondent dans l’histoire pour le second point.

“La guerre, prolongement de la politique par d’autres moyens” écrivait Clausewitz. Comme la politique est devenue un art de la communication, la guerre est son prolongement. Les Malouines consolident Thatcher, l’enlisement relatif en Irak affaiblit les Républicains. Les règles sont les suivantes : le minimum de morts dans les armées occidentales, une durée d’intervention courte, une légalité internationale et, si possible une action collective. La Bosnie, le Kosovo, la 1ère guerre d’Irak, l’Afghanistan dans un premier temps ont bénéficié de ce contexte. L’Irak, l’Afghanistan, la Somalie en sont sortis. Le pourrissement qui résulte de l’intervention, même réussie, ou qu’entraîne l’onde de choc dans les pays voisins, ses conséquences à moyen terme disparaissent des écrans pour réapparaître sans que les politiques l’aient prévu. Le fondamentalisme guerrier de l’Islam a trouvé sa source dans la guerre victorieuse des moudjahidines d’Afghanistan contre l’URSS, soutenus par les pays du golfe, le Pakistan… et les puissances occidentales. Ces dernières se sont désintéressés trop tôt du phénomène et se sont retrouvées aux prises avec le monstre qu’elles avaient réveillé et…armé ! La Somalie est un repère de fanatiques et de pirates depuis la chute du faucon noir. Le Sahel menace d’être une nouvelle base inexpugnable du terrorisme, parce qu’après l’opération parfaitement réussie de Sarkozy en Libye, on a laissé filer sa suite politique et stratégique. Les démocraties ont bien des qualités, mais elles sont incapables du long terme. C’est le système du “Not In My Term of Office”. La colonisation puis la décolonisation françaises sous les Républiques successives donnent ce sentiment de choix momentanés et contradictoires d’où résultent ces Etats aux configurations fantaisistes, aux frontières incertaines et dont la souveraineté est pour le moins fragile.

Il reste que les décisions des politiques ont des conséquences pour la vie de ceux qui sont sur le terrain. Là encore, les vies en jeu n’ont peut-être pas le même poids médiatique. On paiera au prix fort la libération d’un otage tandis qu’on risquera la vie d’un autre dans une opération hasardeuse destinée à ne pas perdre la face. Un journaliste, un ingénieur, un agent secret, un jeune linsellois, membre d’une ONG, sont-ils pris en considération de la même manière ? Le retrait anticipé et politique des troupes françaises d’Afghanistan, en raison du lourd tribut payé par elles dans la lutte contre les Talibans n’explique-t-il pas en partie la solitude et donc l’exposition au danger des militaires français actuellement ? Ce sont des questions qu’il faut se poser. Les soldats accomplissent leur devoir et font leur métier. Il faut les laisser atteindre les objectifs, c’est-à-dire la destruction de l’ennemi. Il ne faut pas que les politiques se contentent de se refaire une santé médiatique sur leur dos.

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Un commentaire

  1. “Le fil conducteur apparaît malheureusement : la mauvaise qualité du renseignement ou l’impuissance du politique à l’exploiter. Les exemples abondent dans l’histoire pour le second point.”

    Et ce n’est certainement pas sur le fondement du traité d’amitié franco-afghane qu’elle a voté au début de la session parlementaire extraordinaire que l’ex opposition, désormais au pouvoir, décidera l’instauration d’une commission d’enquête parlementaire.

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