L’Ukraine (I) Combien de divisions ?

téléchargementComme on dit les Russies, il faudrait dire les “Ukraine”. La principauté de Kiev fut d’ailleurs la première de toutes les Russies avant d’être submergée par les Mongols puis dominée par les Polonais pour tomber enfin aux trois-quarts sous le giron de l’Empire des Tsars. Comme la Pologne et contrairement à la France, cette vaste plaine a été parcourue d’est en ouest et d’ouest en est par les invasions et n’a pas de frontières clairement fixées par l’Histoire. Contrairement à la Pologne qui possède une identité forte fondée sur la langue et plus encore sur la religion catholique, l’Ukraine a subi l’influence des envahisseurs et des occupants. Les divisions sont inscrites de longue date dans une histoire qui connut des épisodes particulièrement tragiques au siècle dernier. Au Xe et XIe siècles, la principauté de Kiev forgée par une aristocratie Viking, idéalement placée sur les voies qui relient l’Empire Byzantin à la Baltique, au milieu d’une plaine très fertile, connaîtra son apogée. Cyrille y répandra l’orthodoxie byzantine. Une princesse de Kiev épousera un Roi de France. Par la suite, l’Ukraine passa d’un maître à un autre. Les Tatars, ceux-là mêmes qui sont encore une forte minorité musulmane en Crimée, la soumirent au XIIe siècle pour en être chassés par les Polonais dont les territoires allèrent alors de la Baltique à la Mer Noire. C’est la révolte des cosaques rendue célèbre par Mazeppa et par le personnage romanesque de Tarass Boulba dont Gogol fait un héros de la foi orthodoxe contre le catholicisme des Polonais qui amena la domination des Russes de Moscou à partir du XVIIe siècle. Mais au moment du partage de la Pologne, une partie de l’Ukraine, la Galicie deviendra autrichienne avant d’être à nouveau polonaise en 1918. Lemberg, Lvov, Lwow, Lviv, Leopol qui désignent la même ville témoignent de ce passé tiraillé entre des Etats distincts et des cultures différentes. Cette ville de l’ouest comprenait entre les deux guerres une forte minorité polonaise catholique romaine que Staline a envoyée à Breslau devenue Wrocklaw en 1945. Elle comptait une population juive importante qui a été exterminée. Elle est aujourd’hui majoritairement ukrainienne, mais de confession grecque-catholique, rattachée au Vatican, Uniate.

Le XXe siècle fut atroce pour l’Ukraine. La guerre 14-18 vit la Galicie occupée par les Russes puis la partie orientale de l’Ukraine par les Allemands. Après la révolution russe, une république indépendante fut proclamée, la République Populaire d’Ukraine. Cette indépendance, d’abord soutenue par les Allemands, sombra dans le chaos après leur défaite. Les luttes intestines, les coups d’Etat, les interventions militaires des Polonais, des Français et des Britanniques, la guerre entre les Blancs et les Rouges laissèrent en définitive le pays aux mains des Bolcheviks. Lors de l’effondrement de l’Autriche-Hongrie, une République de l’Ouest tenta de s’installer en Galicie puis de fusionner avec celle de Kiev. Affaiblie par les combats entre les nationalistes de Petlioura et les anarchistes de Makhno, l’Ukraine perdit sa fragile indépendance au profit de la Russie soviétique victorieuse. Toutefois, l’Ouest revint à la Pologne et plus marginalement à la Tchécoslovaquie et à la Roumanie. Durant cette période, de nombreux pogroms soulignèrent la présence d’un antisémitisme souvent virulent dans cette région. La période communiste d’avant-guerre vit se succéder des politiques contradictoires. L’exploitation de la richesse agricole permit le développement d’une classe de paysans aisés, les Koulaks. L’exploitation énergétique et minière donna lieu à la création d’une puissante industrie lourde qui attira une population russe. Staline se livra en 1932 et 1933 à un génocide diabolique à l’encontre des paysans ukrainiens. La saisie des récoltes et des semences condamna à mourir de faim ceux qui cultivaient le grenier à blé de l’empire soviétique. L’Holodomor coûta la vie à 6 Millions d’Ukrainiens. Cette tragédie oubliée, que j’ai vainement tenté de faire reconnaître à l’Assemblée Nationale, pèse lourdement sur les sentiments de beaucoup d’Ukrainiens à l’égard des Russes. Elle a facilité un certain remplacement de population. Les Russes représentent aujourd’hui 17% de la population.

La seconde guerre mondiale fut une nouvelle cause de déchirements. Les Ukrainiens de l’Ouest, occupés par les soviétiques en 1939, accueillirent les Allemands en libérateurs, et nombreux furent ceux qui s’engagèrent auprès des Nazis, qui se livrèrent dans le pays à la terrible Shoah par balles. La politique de colonisation stupide et brutale des Allemands déçut rapidement les nationalistes qui tentèrent une fois encore sans succès de réaliser l’indépendance. D’alliées potentielles du Reich, la formation la plus importante, l’OUN de Bandera, puis celle de Melnick, moins nombreuse et mieux traitée par les Allemands, constituèrent avec d’autres groupes une armée de maquisards, l’UPA (Armée insurrectionnelle ukrainienne) qui combattit à la fois les occupants, les partisans soviétiques et les résistants polonais. La division est dans ce pays une fatalité. La présence controversée des drapeaux rouges et noirs sur la place Maïdan témoigne de l’histoire de ce mouvement, accusé par les Russes de collaboration et d’antisémitisme et dont le chef a été momentanément célébré comme un héros par Victor Iouchtchenko avant que Ianoukovitch ne le rejette au purgatoire. Les symboles officiels renvoient au contraire à l’UNR, le gouvernement en exil qui continua à exister tout ce temps. Après le retour des soviétiques, les nationalistes continuèrent à se battre contre eux jusqu’en 1954. C’est à cette date que Khrouchtchev, très lié à l’Ukraine, lui fit le cadeau du rattachement de la Crimée peuplée majoritairement de russes et  aussi d’une minorité tatare, et dont l’histoire n’a jamais été mêlée à celle de l’Ukraine. Celle-ci dénombrait 5,5 Millions de pertes civiles et 2,5 de pertes militaires, soit 19% se sa population. Son histoire au XXe siècle est une longue tragédie que Tchernobyl a achevé en 1986.

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5 commentaires

  1. Pour impressionner -devant les télévisions du monde entier- son petit voisin tourmenté, il était important que la Russie terminât première au classement des médailles olympiques, à tel point que les athlètes russes consommèrent du xénon, lequel fait accroître les quantités d’EPO sécrétées par l’organisme…

    1. à’ Th.Loosveld: d c’est du n’importe qoui:: le xénon est un gaz inerte comme l’argon… sa “consommation” entrainerait tout simplement l asphyxie..
      plus nul tu meurs!!!

    1. C’était une princesse de Kiev, de la “Rouss”, la Ruthénie, la “Petite Russie” pour les Russes. La Russie n’existait pas encore, mais la parenté est considérable entre Novgorod, Vladimir, Moscou. Depuis que Moscou s’est imposée, les frustrations et les divisions de l’histoire ont creusé des fossés qui ne sont pas très profonds culturellement.

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