Et revoilà le référendum…

Si on classe les régimes politiques selon la vieille répartition d’Aristote, on aboutit a trois types qui dépendent de qui est le souverain : la monarchie où une personne est le détenteur du pouvoir, l’aristocratie où une élite l’exerce et la démocratie où c’est la majorité du peuple. Chacun de ces régimes peut se corrompre, la monarchie en tyrannie, l’aristocratie en oligarchie, et la démocratie en démagogie. Si l’on examine le régime actuel de la France, il ne correspond pas à la démocratie puisque le peuple désigne un monarque tous les cinq ans, et que ce dernier ne dirige le pays qu’avec le concours d’une oligarchie de représentants du peuple, de hauts fonctionnaires et de membres de différentes institutions notamment judiciaires. Si les députés sont élus par le peuple, tous les autres ne le sont pas. A cela s’ajoute le poids grandissant l’Union Européenne dont la nomenclature pèse lourdement sur les “choix” de la France. Or la démocratie dépend avant tout de qui est le souverain et non de la manière dont celui-ci exerce le pouvoir. Une démocratie est un régime où le peuple est le souverain, et il est révélateur que l’oligarchie qui règne essaie de faire croire au peuple que ce qui compte, c’est la manière dont le pouvoir est exercé et non celui qui l’exerce. La démocratie serait l’État de droit qui consiste à limiter la volonté populaire par des normes tombées du ciel ou plutôt concoctées par l’oligarchie interne ou européenne. Le seul lien entre le régime français et la démocratie est le référendum par lequel le peuple décide de la loi, de la constitution, ou des traités. Son abandon, son contournement pour faire adopter le traité de Lisbonne, et à l’origine la confusion entretenue entre le référendum et le plébiscite ont fait perdre à notre pays sa dimension démocratique pourtant revendiquée par notre constitution, puisque le référendum est le seul moyen par lequel le peuple peut exprimer sa volonté directement. Encore ce moyen n’est-il pas entièrement en sa possession puisqu’il ne peut décider de la procédure référendaire, qui est en grande partie une prérogative présidentielle. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, un référendum d’initiative partagée a été institué qui peut être déclenché par une pétition réunissant un dixième des électeurs, ce qui est considérable. Il faut toutefois qu’un cinquième des parlementaires s’y joigne, et même dans ce cas, il faut que la question posée soit vérifiée par le conseil constitutionnel. Enfin, un simple débat au parlement peut suffire à répondre à l’attente des citoyens signataires. Le refus systématique de cette procédure par le conseil constitutionnel a été un aveu : la France n’est pas une démocratie.

Et pourtant, le Premier ministre vient de lancer l’idée d’un référendum sur l’impasse budgétaire que subit notre pays. Un sondage indique que 83% des Français y sont favorables mais qu’ils souhaiteraient aussi être interrogés sur d’autres sujets : les retraites ou l’immigration, par exemple. En revanche, les politiciens se sont démasqués : ils ne veulent pas que le peuple décide à leur place, et les qualificatifs péjoratifs sur la proposition ont fusé : “loufoque”, “saugrenue”, “farfelue”. Ces mots très durs sont d’ailleurs ceux de la gauche dont on ne dira jamais assez qu’elle n’a rien de démocratique. Pourtant, les questions économiques sont inscrites dans l’article 11 de notre constitution comme pouvant faire l’objet d’un référendum. La suggestion n’est donc pas absurde, elle prend seulement la forme d’un expédient, et c’est cet aspect qui est triste. Nos gouvernants n’évoquent le référendum que lorsque cela les arrange, lorsqu’il peut concentrer l’attention sur ce sujet en occultant une quantité de problèmes qui s’aggravent et qu’ils ne parviennent pas à résoudre. Chez Macron qui considère que le référendum comme la dissolution, sont un joker à sa disposition dans son jeu de président, les questions porteraient sur la fin de vie,  ou le contrôle des écrans pour les moins de 15 ans, autrement dit des sujets qui susciteront facilement une  majorité et détourneront l’attention de ce qui fâche, l’immigration, l’insécurité, thèmes préoccupants mais interdits par l’article 11. Chez Bayrou, il ne s’agit pas de botter en touche, mais de sortir de la mêlée : devant une dette vertigineuse, un déficit irréductible et une kyrielle de chiffres plus mauvais les uns que les autres, Bayrou ne joue pas, il crie au secours ! Et, ce faisant, il ne propose pas une question précise qui puisse apporter une solution urgente à la nécessité de trouver 40 milliards de recettes en plus ou de dépenses en moins pour futur budget de notre pays. Tous les remèdes demandent du temps et exigent des évaluations avant qu’ils soient présentés au vote des Français. Ainsi en est-il de la suppression d’un échelon administratif, ou plus fondamentale, de l’instauration de la règle d’or qui interdirait à l’État de financer son fonctionnement par la dette. Comme ces mesures dépassent les délais d’une urgence évidente, on risque de bricoler des mesurettes fiscales qui pourraient être démagogiques, comme l’augmentation des impôts pour les grandes entreprises ou les contribuables, les plus fortunés, avec pour conséquence une fuite des capitaux.

Cet usage du référendum est donc déplorable. Il réduit le seul dispositif démocratique de la constitution à n’être qu’un instrument tactique des politiciens. Or, le déclin du pays est essentiellement dû à l’incompétence et à la lâcheté d’une caste politique qui a laissé filer les dépenses, soit par démagogie, soit pour ses propres intérêts, notamment la sécurité et la rentabilité des carrières de ce qui est devenu une profession prédatrice. Le  référendum ne doit pas être un expédient occasionnel mais une procédure régulière, habituelle qui permettrait aux Français, dans le calme et avec le temps, de trancher un certain nombre de questions. L’initiative doit appartenir au peuple lui-même à partir de pétitions réunissant un nombre suffisant de signataires, et son domaine doit être étendu bien au-delà de ce que stipule l’article 11. Ce n’est qu’à ces conditions que la France pourra à nouveau se proclamer une démocratie, au même titre que sa voisine, la Suisse.

 

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