Mon intervention sur la proposition de loi relative à la protection de l’identité

Hier, cette proposition de loi a été examinée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale. Vous trouverez ci-dessous mon intervention, et l’ensemble de la discussion en cliquant sur le lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120082.asp#P914_209675
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte consacré à la protection de l’identité nous revient en deuxième lecture. Avant d’aborder le cœur du sujet, je voudrais souligner combien cette proposition de loi a agi comme un révélateur.

Première révélation, alors que l’on sait bien à quel calvaire peut être conduite une personne dont on a usurpé l’identité, la gauche a prétendu souhaiter la protéger, mais en protégeant du même coup les usurpateurs et, plus généralement, les délinquants.

Le procédé rhétorique est simple. On évite d’abord d’évoquer la souffrance, très concrète, de celui qui ne peut plus utiliser son compte en banque, ne peut pas se marier, se trouve menacé dans ses biens et ses libertés réelles. Ensuite, on se complaît dans la défense ostentatoire des libertés abstraites qui pourraient être virtuellement menacées par un procédé d’identification de l’usurpateur ou par un élargissement du fichier aux recherches criminelles. Derrière la sauvegarde abstraite des libertés publiques, accompagnée de la vibration oratoire nécessaire, on voit surgir la protection très réelle de ceux qui auront usurpé une identité et pourront à nouveau tenter l’expérience puisqu’ils n’auront pas été identifiés, ou encore la protection des primo-délinquants sous prétexte qu’ils auront été forcément, avant leur premier méfait, dans le fichier des honnêtes gens.

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est grotesque !

M. Christian Vanneste. Il est d’ailleurs piquant de constater que ceux qui se refusent à combattre fermement la récidive et prétendent lutter contre toutes les discriminations font une telle différence absolue et définitive entre les honnêtes gens et ceux qui le sont moins. Vous l’aviez d’ailleurs souligné au Sénat, monsieur le ministre.

Deuxième révélation : ce texte est également révélateur de l’incessante progression des liens qui compriment l’expression déjà indirecte de la volonté populaire. Lorsque celle-ci s’exprime à travers la représentation légitime, elle se voit de toute part contrainte par des instances non démocratiques, qui entendent cependant lui dicter la loi.

C’est vrai pour la CNIL, auréolée de son onction européenne, qui a fait de sa phobie du croisement des fichiers ou du registre de la population, pourtant pratiqués dans les très démocratiques pays scandinaves, un dogme souvent propagé parmi nous par ces parlementaires missionnaires dont on aurait préféré qu’ils défendent davantage le point de vue de l’Assemblée au sein de la CNIL plutôt que celui de la CNIL au sein de l’Assemblée.

C’est vrai du Conseil d’État, qui peut nous donner ses avis, nous rappeler telle ou telle habitude juridique, mais sans nous ôter de l’esprit que le Parlement et l’Assemblée nationale devraient se reconnaître le pouvoir de briser les nœuds gordiens, tous les nœuds gordiens, hormis ceux de notre Constitution.

Je ne vais pas citer bien sûr la Ligue des droits de l’Homme, la ligue autoproclamée des droits de l’Homme, qui ne me paraît pas du tout une référence sur un texte présenté à l’Assemblée.

Ce texte revient donc, passé à l’essoreuse idéologique du Sénat. Il lui reste, comme à un cheval à qui l’on aurait mis des œillères, la protection des documents d’identité pour seule finalité, limitée à de justes et nécessaires proportions. Les usurpateurs, et encore moins les criminels de tout poil, ne sont pas l’objet du texte et peuvent donc dormir tranquilles. Contrairement à ce qu’affirmait le rapporteur du texte au Sénat, la dissuasion ne suffit pas, car la répression est la meilleure des dissuasions.

C’est la raison pour laquelle il était nécessaire d’amender ce texte pour lui donner toute sa vigueur citoyenne, celle qui faisait dire à Montesquieu que la liberté chez un citoyen vient du sentiment qu’il a de sa sûreté. La plus grande sûreté de l’homme, c’est de savoir les délinquants hors d’état de lui nuire, ce n’est pas d’être protégé virtuellement contre de potentielles atteintes aux libertés abstraites que la traçabilité des opérations découragera de toute manière.

Certains prétendent alors qu’il pourrait y avoir une utilisation politique différente liée à un changement de régime. Je l’ai lu dans les débats du Sénat. Dans ce cas, il y aurait aussi malheureusement un changement de la loi. Il est inutile d’affaiblir la défense de la République en évoquant les menaces imaginaires que ferait peser sur les libertés un régime qui ne serait plus républicain.

Il faut donc rétablir le lien fort, qui permet d’identifier l’usurpateur sans passer par une enquête complexe et coûteuse qui distrairait les effectifs policiers, et qui, pour cette raison, ne se ferait pas. Aucun pays n’a d’ailleurs choisi le lien faible, cela a été dit et redit. Seul le Sénat l’a fait, pour des raisons idéologiques et politiciennes, non pour protéger les honnêtes gens de risques imaginaires, mais pour s’opposer au Gouvernement dans un domaine où l’unanimité devrait régner, celui de la lutte contre la délinquance.

De même, il est nécessaire de revenir sur l’absurde opposition du Sénat à l’utilisation du fichier en matière de recherche criminelle, comme si la protection des criminels contre les potentielles et virtuelles atteintes aux libertés publiques pouvait être un objectif républicain. L’encadrement de l’utilisation du fichier dans les limites de son objet, d’abord, dans celle des procédures ensuite, flagrances, enquêtes préliminaires, commissions rogatoires, avec l’autorisation du juge d’instruction, enfin, devrait rassurer les avocats verbeux des libertés abstraites, dont l’inconscient semble toujours si chargé de fantasmes liés aux régimes policiers.

Les avancées ou les reculs techniques sur la reconnaissance faciale ou sur le nombre des empreintes présentent-ils un avantage ou un inconvénient ? L’identification des victimes est privilégiée par rapport à celle des coupables dans le texte définitif. Pourtant, fallait-il faire une distinction entre les victimes collectives et les victimes individuelles ? J’aimerais que, sur ces points, des réponses précises soient apportées, autrement que par des génuflexions devant la sainte CNIL ou le sacro-saint Conseil d’État.

Il s’agit pour nous de rétablir un texte, et ce dans un but profondément humaniste : celui de restaurer une personne dans sa plus éminente dignité, qui consiste à être qui elle est et qui elle veut être, avec sa part de nature – les empreintes – et sa part de liberté, avec son irremplaçable individualité, avec ses droits, c’est-à-dire avec les libertés réelles et concrètes que lui garantit la société démocratique au sein de laquelle elle vit : penser, s’exprimer, aller et venir, travailler, être propriétaire, fonder une famille, voter, en somme être un homme, une femme, citoyen respecté comme tel dans le cadre des valeurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Voilà ce à quoi, je crois, aboutit le texte que nous allons adopter dans quelques instants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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4 commentaires

  1. Excellent d’avoir montré une fois de plus, comment la gauche se souciait plus du confort des délinquants, que du confort des victimes.

    Dans vos discours, on sent un député libre, qui ose s’en prendre à toutes ces associations mafieuses, qui croient être plus puissantes qu’un Parlement.

    Bravo.

  2. C’est vrai qu’il n’y a guère que les facultés de droit communistes, telles que la FLD, pour dire du bien de la CNIL et du Conseil des Tas !

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