Légitime levée de bouclier médiatique autour de l’apparition en France du boitier « Mosquito » appelé chez nous « Beethoven, un son qui adoucit les mœurs »… Ce boîtier émet des ultrasons et est “conçu pour disperser les groupes d’adolescents qui agissent de manière antisociale”. Ces sons sont perceptibles uniquement par les moins de 25 ans, dans une fréquence entre 17.000 et 18.000 hertz. Attaché au principe de la sécurité publique, comme en témoigne ma proposition de loi sur le harcèlement social, suivant en cela l’adage de Montesquieu « La liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté », j’exprime néanmoins une totale réprobation envers ce genre de procédé.
Tout d’abord, il me paraît être purement et simplement discriminatoire. Ce système bien que répondant à un légitime besoin de tranquillité et de sûreté est discriminant au regard de la loi puisqu’il vise un groupe d’individus en particulier : les jeunes de moins de 25 ans puisqu’au-delà, paraît-il, la perception du son et la gêne qui en découle sont plus faibles. Je rejoins la position de Christine Boutin qui estime qu’une société qui part en guerre contre sa jeunesse se trompe de chemin.
En second lieu, il faut craindre les risques sanitaires pour les jeunes ainsi visés, alors même que leur pratique musicale présente déjà des risques dans ce domaine. Même si nous ne disposons d’aucune étude sur son effet, le principe de précaution doit s’appliquer. En émettant des sons entre 75 et 95 décibels à une fréquence de 17 000 et 18 000 Hertz, le Beethoven peut s’avérer dangereux pour la santé des jeunes avec notamment un risque de perte d’audition. La question de son innocuité est donc posée pour les jeunes mais également pour les femmes enceintes. Puisqu’il s’agit d’une question de santé, le principe de précaution doit être mis en œuvre.
Enfin, les questions de voisinage et de relations entre les générations doivent pouvoir être traitées par des moyens dignes de l’humanité. Cette manière purement physique et réflexe fait immédiatement penser aux techniques utilisées à l’encontre des animaux.
Il me semble donc que cette polémique souligne le renoncement au seul moyen vraiment humain de faire régner un ordre légitime : le langage. Cette « démission linguistique » se situe donc désormais à la fois chez ceux qui ont recours à la violence pour régler des différends d’ordre privé ou affirmer un égo tragiquement vide mais aussi chez ceux qui prétendent assurer l’ordre social nécessaire et légitime. Comme dans le célèbre film « Orange Mécanique », la société ne traiterait plus l’homme comme une personne, mais come un individu mû par des réflexes, de façon automatique. L’opposition avec le système de vidéosurveillance est évidente : celui-ci permet au contraire la constatation des faits, l’identification des auteurs et la mise en œuvre de procédures qui peuvent aller du simple rappel à la loi, jusqu’à des sanctions très lourdes. Dans tous ces cas, il s’agit bien de s’adresser à une personne dont le comportement gêne la vie d’autres personnes. Dans tous ces cas, les rapports sociaux restent déterminés par des échanges, par un dialogue qui peut être ferme mais demeure toujours humain et paraît être la condition de toute vie véritablement démocratique.
J’ajouterai à cela que l’utilisation du mot de Beethoven pour désigner ce genre d’appareils est pour le moins malheureuse et même insultante pour ce grand compositeur. L’écoute régulière de ses œuvres, y compris dans les halls d’immeuble, serait sans doute de nature à induire des comportements plus sereins que le rap… (voir la caricature du Croquignolet)
4 commentaires
Monsieur le député,
Si je suis d’accord avec votre dernier paragraphe, en revanche, j’estime la réaction de Madame Boutin totaement inutile et d’une bétise confondante…
Cet humanisme de bon aloi commence légèrement à me courir sur le système!
Bien cordialement
Excellente caricature. Je ne le connaissais pas. merci de me l’avoir révélé !
Madame Christine Boutin devrait réserver sa compassion aux aux gens qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler, ces créateurs de richesses qui préfèrent les efficaces insecticides aux “ultraçons” pour chasser les moustiques perturbateurs de légitime sommeil réparateur …
Effectivement, on ne peut régler ainsi les problèmes de voisinage. C’est désolant. Une chose toutefois m’a fait rire. C’est que ce système de sons inaudibles pour les plus de 25 ans a déjà été utilisé par des jeunes, via des sonneries de téléphone, pour perturber les cours sans que le professeur puisse réagir. Et voilà que le système piège ses utilisateurs. L’arroseur arrosé en quelque sorte.