Le Djihad ou l’appel du vide.

imagesSi la nature n’a pas horreur du vide, la nature humaine, si. La présence de près de 400 “français” parmi les djihadistes, le fait que la mouvance en compte trois fois plus, suscitent une interrogation, voire une angoisse d’autant plus vives qu’il s’agit parfois de convertis. Que de jeunes immigrés ou descendants d’immigrés, dont on a vanté la différence, reconnu avec insistance l’appartenance communautaire, auxquels on a rappelé sans cesse la dette coloniale de la France à leur égard, qui ont été endoctrinés dans les mosquées, les prisons ou sur internet, grâce à une tolérance indifférente, stupide ou complice, se lancent dans le terrorisme islamiste, n’est pas absurde. Que des enfants des classes moyennes autochtones se convertissent et sombrent dans des aventures sanguinaires plonge dans la stupéfaction. On pense immédiatement à un dérèglement mental ou à une incroyable déficience intellectuelle.

Il y a pourtant un aspect décisif de notre société qui les réunit. C’est le vide. “Le coeur de l’homme est vide et plein d’ordures”. C’est ce génial penseur chrétien qu’était Pascal qui fournit la meilleure explication du phénomène. L’homme aime aimer, et donc aussi haïr. Il a besoin de sens. Lorsque ni l’éducation, ni la société dans laquelle on vit, ni la religion qui a inspiré celle-ci durant des siècles ne fournissent plus les vérités ou même les illusions qui répondent à ces exigences, alors n’importe quoi peut combler le vide. Plus il sera ressenti, plus les “ordures” viendront le remplir. Le départ vers la guerre sainte est accidentellement lié à la présence de l’Islam à travers une population, des réseaux et des moyens, mais essentiellement dûe à l'”ère du vide” traversée par notre civilisation et analysée par Gilles Lipovetsky. Que des jeunes pris entre l’individualisme narcissique et l’hédonisme consumériste, au lieu de les unir, les séparent, pour rejeter le second qui s’épuise vite et ne fait pas rêver et pour lui préférer le riche imaginaire du premier, devient plus compréhensible. Celui qui n’est pas une personne structurée par une tradition, un groupe familial capable de  transmettre celle-ci, un groupe de pairs susceptible de l’intégrer, mais un “miroir vide” bombardé d’images, sans que la sienne apparaisse, va trouver l’identité dont il ressent le manque cruel dans un fantasme qui sera sa “signification imaginaire centrale”. A la manière du personnage de “l’Enfance d’un Chef”de Sartre qui devient quelqu’un en se découvrant antisémite, le djihadiste existe dans la mesure où il se donne cette identité, éventuellement en changeant de vêtement et de nom.

Ce passage du néant à l’existence se sera opéré à travers plusieurs stades. Le premier aura été l’inconsistance du milieu éducatif. Selon Dounia Bouzar, du Centre des dérives sectaires liées à l’Islam, 70% des “candidats” proviendraient de milieux athées, et 80% n’auraient aucun lien récent avec l’immigration. La famille aura simplement manqué de père et de repère, laissant l’enfant à la merci d’internet et de ses pairs. Second stade : pour les plus favorisés, l’avalanche d’images violentes tirées des jeux vidéo ou des séries, le discours victimaire face à la persécution cynique des Etats érigé en sauf-conduit, et en prime, l’autorisation implicite du gouvernement de faire la guerre aux méchants comme Kadhafi ou Assad, auront permis à l’imaginaire broyant le tout de composer la silhouette d’un héros mû par la seule religion dont il aura entendu parler, l’école se condamnant à être muette sur le sujet, la télévision à parler du ramadan plus que de la Fête de Pâques, et le rare prêtre rencontré empressé à dire tout son respect pour l’Islam, religion de paix. Les moins favorisés, quant à eux, auront trouvé, après le passage par la case “trafic et gang”, puis par celle de la prison, et grâce à l’endoctrinement au sein de cette brillante institution, le chemin de Damas, malheureusement très différent de celui de Saint Paul. Enfin, le réseau aura permis le voyage et la prise en main. Facilité des déplacements, absence de contrôle en raison même du nombre des individus potentiellement dangereux, complicité de pays comme la Turquie, et sans doute chez le djihadiste, satisfaction narcissique intense de partir au loin pour servir une cause et une entité, riche, puissante, implacable, qui défie la nation étriquée et l’Etat faiblard d’où il vient, et lui offrira cette communauté de substitution dont il a tant besoin : rien ne manque pour que le phénomène prospère.  Une société a les missionnaires, les explorateurs, les colons voire les engagés dans les troupes coloniales qu’elle est capable de susciter !

Comme d’habitude, faute d’avoir appréhendé le problème à temps, il paraît impossible de le combattre à sa source. Sa source ? D’abord, le relâchement des communautés naturelles, la famille, la nation, l’effacement des identités fortement structurées sur lesquelles elles reposaient, l’abandon de l’assimilation des nouveaux arrivants au profit d’un communautarisme toléré, le renoncement à l’autorité, celle du père comme celle de l’Etat, ou encore celle de l’enseignant, intermédiaire entre l’un et l’autre : on voit dans cette énumération la tâche écrasante d’une réaction salutaire, d’une restauration indispensable. On en mesure aussi l’irréalisme politique. Alors, on se contente de rustines en amont et en aval de la fuite, mais pas sur elle. Ce sera le repérage des ruptures opérées par un individu avec son milieu. Ce sera la surveillance accrue de certaines destinations. Ce sera, au retour, la création, comme au Danemark, de centres de désendoctrinement, afin d’éviter la prison. L’hypothèse farfelue de ne pas laisser rentrer les djihadistes peut s’envisager pour des bi-nationaux qui seraient déchus de leur nationalité française. Mais cette mesure n’est pas dans l’air du temps, hélas, et elle ne peut valoir pour des Français qui n’auraient pas d’autre pays.

Cette question est encore marginale quantitativement. Elle est cruciale en fait, car ,derrière elle, se posent celles de l’authenticité de notre civilisation et de sa capacité à susciter l’adhésion de ses membres.

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7 commentaires

  1. Pas mieux….j’adhère pleinement à ce texte d’une véracité criante, mais qui nous démontre aussi notre incapacité à vouloir ou à pouvoir vraiment remédier à tout cela et ça c’est moins drôle !

  2. Voilà qui est dit, et bien dit. Je souscris à chacune de vos lignes, tant vous avez raison, hélas, trois fois hélas. Il n y a rien à ajouter. Enfin si, l’incroyable laissez aller des familles des convertis, et l’absence des hommes d’Eglise à commencer par nos évêques qui, en vidant nos églises, ont vidé nos âmes..

    1. Je vois plutôt le contraire:
      C’est parce que nos âmes se vident que nos églises se vident dans cette société de confort hyper matérialiste… et nos pauvres gens d’Église (ou ce qu’il en reste) n’y sont pour rien !
      Je reste convaincu, qu’après deux ou trois coups de canons sur notre cher pays, elles se rempliront à nouveau…

  3. Ce sont beaucoup de nos cas sociaux qui se convertissent : milieu social glauque sans moralité laïque ni spirituelle, abêtissement du sur-consumérisme, vide existentiel inhérent… il n’y a plus d’idéaux ou si peu! moi qui suis de gauche, je m’investis pour l’environnement, les animaux, je pense à notre pauvre planète bousillée par la bêtise et la cupidité humaines. Tout cela passe par plus d’humanisme, plus de spiritualités au sens large.

    Ces convertis sont aux antipodes de ceux qui choisissent l’islam mystique, le soufisme des lumières, pour préférer le salafisme des cavernes (islam pour neuneus) : toujours la facilité du manichéisme à 2 euros entre les bons et les méchants, tellement puéril 🙁 sauf que ce sont des adultes immatures, d’autant plus dangereux que leur fragile psychisme a été solidement endoctriné par des gourous opportunistes sans scrupules.

    Je propose qu’une sorte de tribunal de Nuremberg bis soit créé pour ceux qui osent revenir chez les “mécréants” bien couillons 🙁 ce sont des crimes contre l’Humanité aussi barbares que ceux des nazis. Et que ce tribunal soit situé en Syrie ou en Irak afin qu’ils les gardent ensuite à vie : il y aura beaucoup à reconstruire là-bas et nous n’aurons pas à dépenser un seul centime pour des renégats psychopathes quasi-inguérissables!

  4. Bonjour Christian ,
    Une chose est sûre c’est que le jeune est un terreau fertile à toute propagande, les jeunes musulmans de france, avec une nationalité qui se limite à une carte d’identité et des droits aux aides sociales, avec en tête un pays de cocagne qu’il ne connaissent pas mais où ils puisent leurs racines, ils ne savent pas où ils sont, souvent ils manifestent leur malaise par la violence (le plus primitif des modes de communication) et sont très facilement influenceable en leur donnant un idéal, une reconnaissance et ensuite on les manipulent. Pour les convertis, c’est pire, ils sont en rupture totale avec leurs racines, et tentent l’aventure… Il n’y a que la jeunesse paumée pour faire celà… Le djihad ou la délinquence, deux directions facilitées par le laxisme de la gauche et du centre, l’abandon d’un projet de nation européenne, dans laquelle ils ne se reconnaissent pas, trop technocrate et pas assez humaine… Nous fabriquons depuis quarante ans les conditions, Daesch finit le travail…

  5. J’oubliais de préciser que ces jeunes paumés ne choisissaient pas les messages d’amour, en l’occurrence ceux du Christ et du Bouddha, hélas!! encore moins une religion plus syncrétiste comme le bahaisme qui reconnait Mahomet.
    Non, ils veulent une idéologie simpliste, guerrière, narcissique…ils relèvent bien de la psychiatrie mais sont responsables de leurs actes!

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