Faire sortir les élections du brouillard !

Les élections régionales puis l’élection présidentielle émergent du brouillard covidien. Malheureusement, celui-ci en se dissipant, peut-être, va faire apparaître le piège dans lequel la politique a enfermé les Français. La succession des intérêts partisans a ôté à notre système électoral toute cohérence. On remarquera que le Royaume-Uni avec son mode de scrutin uninominal par circonscription à un seul tour s’offre au contraire  la stabilité du fonctionnement et  la capacité de dégager des majorités de gouvernement. Le Premier Ministre est le réel conducteur de la politique du pays. Le monarque n’a qu’un rôle institutionnel et symbolique. Les élections législatives sont sans conteste le scrutin essentiel de la démocratie britannique. Une monarchie constitutionnelle et un régime parlementaire assis sur une Assemblée élue par un vote uninominal auraient parfaitement convenu à la France. Les Britanniques ont subi la proportionnelle avec l’élection de leurs députés européens. Ils ont heureusement tourné la page.

La France a choisi sous l’impulsion du Général de Gaulle une autre voie : un régime parlementaire où le gouvernement soutenu par la majorité des députés conduit la politique pendant le mandat législatif. Le scrutin est uninominal à deux tours pour permettre à la diversité des opinions de s’exprimer au premier tour. Depuis 1962, le Président de la république est lui-aussi élu au suffrage universel et doit théoriquement jouer un rôle d’arbitre en assurant le respect de la constitution et la continuité de l’Etat. Il a un rôle privilégié en politique extérieure puisqu’il est en charge de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. Tant que le mandat du Président était de sept ans, et celui de l’Assemblée de cinq ans, tout le monde savait que le Président détenait l’essentiel du pouvoir si la majorité parlementaire lui était acquise, et n’en gardait qu’une part pendant les cohabitations, avec toutefois l’arme de la dissolution. Cela pouvait créer un flottement dans la conduite du pays et brouiller son image à l’extérieur : on a vu récemment les risques d’un binôme pour présenter la même “puissance” dans les relations internationales. Le septennat fut donc réduit en quinquennat sans qu’on en mesure les conséquences : l’élection des députés est devenue une formalité qui conduit à des “chambres introuvables” dans la foulée de la présidentielle. Fort d’une assemblée d’enregistrement de ses décisions, le Président bénéficie d’un régime non pas présidentiel, avec un équilibre à l’américaine entre Congrès et Présidence, mais carrément autocratique : Macron intervient tout le temps, y compris sur des sujets qui ne sont pas du niveau de la Présidence. Le Parlement est prié de suivre. Quant au gouvernement, il est chargé dans la théâtrocratie macronienne des mauvaises nouvelles et des annonces technocratiques ennuyeuses. Avec l’actuel locataire de Matignon, Macron a trouvé son homme.

Les raz-de-marée législatifs comme celui de 2017, peu légitime en raison d’une abstention record, conduisent à vouloir instaurer une dose de proportionnelle pour redonner du pouvoir au peuple, le vrai souverain. Certains imaginent ce mode de scrutin plus démocratique car il permet de représenter la plupart des opinions. En fait, il conduit à faire élire les chefs des partis de manière continue sans qu’ils aient à rendre des comptes à leurs électeurs en chair et en os, dans leur circonscription. Une proportionnelle intégrale conduit à des coalitions instables ou dangereuses, puisque le plus petit parti d’une majorité faible peut se livrer à un chantage et donc jouer un rôle “disproportionné”. Une “dose” de proportionnelle est une mesure décorative et démagogique. Dans notre système à deux tours, un parti peut émerger grâce au premier tour et devenir l’un des grands ensuite. Cela est vrai d’ailleurs même avec un seul tour, puisque les travaillistes ont supplanté les libéraux au début du XXe siècle au Royaume-Uni. Les partis sont des outils nécessaires. La proportionnelle accroît inutilement leur importance. Le caractère bipartisan qui est donné aux élections uninominales par circonscriptions conduit à installer le débat idéologique à l’intérieur des grands partis tout en gardant une place pour la dimension personnelle des élus choisis directement par les électeurs. Pour l’élection présidentielle, l’organisation de primaires au sein des grands partis est une excellente procédure. C’est ainsi que Fillon avait été désigné. Son éviction par un coup d’Etat judiciaire a permis le succès d’une opération qui relève de la manipulation, voire du complot.

En fait, avec des élections proportionnelles pour les Européennes d’une part, avec prime majoritaire, pour les régionales et les municipales, d’autre part, tandis que les législatives et les départementales gardaient le processus par circonscription, avec cette idée baroque d’un duo pour les cantons, on a inutilement brouillé l’esprit des Français qui devraient pouvoir toujours voter de la même manière : une circonscription, un élu. Les contorsions des dernières régionales ont permis d’exclure la victoire de la liste arrivée en tête grâce au retrait de la troisième dans le cadre d’une alliance objective entre des partis que rien ne conduit à gouverner ensemble. Autrement dit, on a détourné la proportionnelle de son but, et volé les électeurs. Le maintien voire l’augmentation du nombre des élus malgré un nouveau découpage montrent que pour beaucoup la politique est devenue un métier et l’engagement une carrière.

Le retour au septennat avec une distinction plus nette des domaines de la Présidence et du gouvernement, en gros l’extérieur et l’intérieur, est nécessaire. L’instauration d’un mode de scrutin unique pour toutes les élections, uninominal à deux tours est indispensable. Le risque d’un affadissement de la vie politique selon la loi de Downs qui veut que la droite et la gauche se recentrent, a été conjuré par Sarkozy en 2007. Il a malheureusement commis la bêtise de l’ouverture à gauche après son élection, quand cela était inutile et même nuisible. Et pour couronner ce système efficace, il faut introduire en France le Référendum d’Initiative Populaire qui permet au peuple souverain de se faire entendre sans passer par les partis, et donc l’oligarchie.

 

 

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4 commentaires

  1. Plutôt que toutes ces élections tronquées et toutes nos institutions sclérosantes dites démocratiques, on se demande si un bon “pouvoir fort voire totalitaire “, n’est pas devenu le meilleur moyen de rendre à notre pays sa grandeur perdue.
    Il ne nous resterait plus qu’à démontrer que cette personne puisse éventuellement exister…

    1. Tout à fait d’accord, c’est ce à quoi j’aspire au plus profond de moi-même. pour la France, qu’un chef bien inspiré, appuyé par l’armée accède à l’Elysée démocratiquement, ou à défaut, par un putsch et mette en place un régime autoritaire à la Bonaparte et fasse taire toute la socialocratie associative, syndicale médiatique judiciaire politique etc!

    2. mais mais n’avons nous pas déjà un pouvoir autoritaire ?
      un bon système représentatif n’est ce pas celui qui peut permettre au pays de se retrouver avec des élus incompétent au pouvoir et ne pas s’en porter plus mal pour autant ?

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