Merci à Mc Carthy pour son “Arbre”…

images (93)La Mairie de Paris avait fait ériger une sorte de baudruche géante due à l’Américain Paul Mc Carthy sur la place Vendôme. Scandaleuse atteinte à la liberté d’expression de l’artiste, des inconnus aussitôt dénoncés comme la résurgence de nazis potentiels par la bien-pensance, ont dégonflé la chose appelée “arbre” évidemment en sabir atlantique, “tree”. A ma grande honte, j’avoue y voir effectivement une sorte de sapin stylisé. L’innocence est ridicule de nos jours. Il s’agissait d’un godemichet titanesque. Je préfère ce vieux mot de chez nous à celui du sabir susnommé. Et c’est l'”auteur” qui le proclame pour ceux qui comme moi ne se sont jamais intéressés à ses productions assez obsessionnellement liées au stade anal. De défécations en sodomies zoophiles, il ne semble penser qu’à ça. Il s’agissait donc bien d’un geste provocateur en quoi se réfugie souvent la créativité essoufflée de l’art contemporain. Rien de bien nouveau, en somme, puisque le scandale alimente la création depuis deux siècles et la provocation systématique depuis le siècle dernier. Toutefois, le but était clair qui consistait à briser les habitudes, à ouvrir des voies nouvelles, à aborder de nouveaux sujets et à repenser l’art. Les moyens étaient risqués, sans soutien public, ni intérêt du marché, avec l’opprobre des critiques et parfois la condamnation des tribunaux. La situation s’est inversée depuis, car de peur de ne pas déceler le génie à temps, on a fait de l’innovation voire de la transgression, le signe indubitable de la création. Par un assez beau paradoxe, celles-ci sont devenues des routines, la voie royale de prétendus artistes absolument dénués d’inspiration. Dans notre pays, en particulier, l’Etat et les collectivités territoriales subventionnent un art officiel qui non seulement met le provocateur à l’abri du risque, mais même lui permet de fréquenter les allées du pouvoir. L’artiste maudit devient le transgresseur adulé et institutionnel au travers d’une métamorphose qui passe par les mystérieux réseaux du copinage et des connivences.

N’imaginant pas une seconde que tel soit le cas à la Mairie de notre splendide capitale, j’ai cherché la signification de cet objet. Sa présence insolite sur une des places les plus prestigieuses du monde, entre grands bijoutiers et Ministère de la Justice, dans un ensemble architectural classique conçu sous Louis XIV, pouvait être un moyen de déranger le regard, de nous faire jeter un oeil neuf sur ce haut lieu de notre patrimoine. Intéressante conception de l’oeuvre qu’on juge si peu digne d’intérêt qu’elle n’existe que par et pour ce qui l’entoure. C’est devenu un rite à Versailles avec des “créateurs” comme Jeff Koons ou Takashi Murakami dont les oeuvres répétitives dialoguaient avec, là aussi, la magnificence du Grand Siècle, des faire-valoir, en somme, que certains ont perçus comme des sacrilèges. Si l’on excepte les revenus qu’ils en tirent, ces “artistes” m’inspirent davantage de commisération que de révolte. Beaucoup d’oeuvres , selon moi dénuées de toute valeur esthétique, mais souvent de dimension considérable ne sont que les prétextes d’une réalisation architecturale réellement intéressante. Ainsi en est-il des plaques d’acier gigantesques de Richard Serra au Guggenheim de Bilbao, ce chef d’oeuvre de Frank Gehri qui est devenu le symbole de la grande ville basque. Le Président de la République vient d’ailleurs d’inaugurer au Bois de Boulogne, en compagnie du PDG de LVMH,  la Fondation Louis Vuitton du même architecte.

Le primitif flamand ne signait pas et demeure anonyme. Puis l’artiste est devenu un créateur de plus en plus original et reconnaissable par la virtuosité de sa technique ou par le choix de ses sujets. Il s’est même hissé au rang de démiurge, créant un univers qui lui était propre. Par la suite, cette originalité du créateur s’est étiolée. Après avoir cherché sa voie dans l’imitation de ses aînés, il ne parvient désormais à la notoriété que le jour où il a inventé un type d’oeuvre identifiable, ne serait-ce que par la présence d’un détail incongru, et à la consécration en s’enfermant dans cette production. Aujourd’hui le marché achète la signature plus que l’oeuvre et à condition que cette dernière soit dans le créneau qu’il lui assigne. On aboutit à ce double paradoxe d’une innovation qui se répète à l’infini, et d’un art transgressif tout ce qu’il y a de plus officiel.

Donc, la Mairie de Paris a permis à Mc Carthy d’installer son produit sur la place Vendôme et le message de l’artiste  était triple : d’abord faire de la publicité à la FIAC ; ensuite, assouvir son obsession anale en opposant son objet en concurrence phallique avec la colonne, affirmation virile commémorant les victoires de Napoléon, laquelle a d’ailleurs remplacé une statue de Louis XIV, bien mieux proportionnée au décor ; enfin et surtout choquer le public, puisque dans le fond il est payé pour ça. L'”oeuvre” a été mise hors d’état de nuire par des défenseurs du patrimoine ou des croisés moralistes, et démontée, l'”artiste” lui-même a été agressé. Les notables bien-pensants d’aujourd’hui ont immédiatement crié au nazisme et au retour des heures sombres. Moi, je crois qu’il faut être reconnaissant envers Mc Carthy. Cet obsédé de l’inversion suscite une prise de conscience fulgurante de l’inversion des valeurs qui caractérise notre société. La transgression et la provocation imposées par les autorités et défendues par le discours institutionnel, l’espace public envahi par les obsessions privées grâce à de l’argent public dévoyé par des coteries bien en cour, la liberté d’expression et de création érigée en muraille de protection de l’art officiel quand les censures du débat politique se font plus fortes ou plus sournoises au nom du politiquement correct, l’artiste tombé de la spiritualité des cathédrales jusqu’à la production scatologique : tout cela témoigne du renversement qui s’est opéré dans notre civilisation. Celle-ci plaçait la spiritualité et la défense de la communauté au-dessus de sa production, de son économie. Comment ne pas voir que l’ordre s’est inversé, que le matérialisme s’impose que ce soit celui de Marx ou celui de la société mercantile. N’est-ce pas le même, d’ailleurs ? Et les psychanalystes ajouteront que le stade anal est justement pour l’homme celui qui s’identifie à la production, à la maîtrise de la matière bien avant que la sublimation ne suscite des idéaux. Que notre “progrès” soit d’un “autre côté” une régression, merci à Mc Carthy de nous donner l’occasion de l’entrevoir.

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12 commentaires

  1. Ceux qui crient au nazisme après la débandade de l’objet de Mc Carthy seront étonnés d’apprendre que la colonne Vendôme fut abattue le 16 mai 1871 par des Communards qui la considéraient comme un symbole de la tyrannie.

  2. Quel dommage que vous ne soyez plus au Parlement, les gens de qualité, et intellectuellement courageux y semblent tellement rares…Comme tjrs votre texte est très intéressant, clair, et éclairant…inutile de dire que je vous approuve…merci

  3. La vie à Berlin dans les années trente était dépravée, et les autodafés organisées par les sections locales du NSDAP étaient peut-être des destructions de rapports médico-légaux consignant la pédérastie des chefs du NSDAP. D’autres Historiens pensent qu’il s’agissait d’une persécution d’apparence contre des écrivains communistes. Goebbels écrivait dans son journal: “à des fins de politique intérieure, il est utile que la seule opposition apparente soit celle des communistes. Les classes riches sont ainsi portées à croire que la fin de la dictature nationale-socialiste signifierait la victoire du communisme.”
    Quoiqu’il en soit, Hermann Goering se maquillait, portait des bagues et des chaussures à talon, Edmund Heines et Gerhard Rossbach étaient homosexuels, comme ce soldat décoré de la croix de fer pour ses services rendus à Fournes-en-Weppes (Nord) du 10 Mars au 25 Septembre 1915. Décidemment, l’homo-érotisme des chefs du national-socialisme reste un point de détail de l’Histoire, à l’instar de la guerre souterraine des Allemands, des Français et des Anglo-Saxons durant la première guerre mondiale.

  4. Vous avez raison de souligner que le dégonflage de l’objet et les réactions de la bien-pensance ont mis en lumière le reste de “l’oeuvre” de Mac Carthy. D’ailleurs le site “Les crises.fr” a mis en ligne l’essentiel des horreurs que ce type a réalisées.

    La cerise sur le gâteau a été d’entendre Hollande venir soutenir “l’artiste” incompris ; solidarité des gens obscènes sans doute.

    Il faut aussi rappeler que des femmes et des hommes de bonne volonté veulent lutter contre cet art contemporain qui est une gigantesque escroquerie ( cf. site Sauvons l’art)

  5. @ Ribus:

    A propos d’escroquerie, il y a aussi la “justice” et les mafieux qui la composent puisque Patrick Balkany vient d’être mis en examen. Est-ce excessif de dire que la magistrature est une mafia ? Pas du tout tant i est vrai que la gauche a ignoblement joué pour devancer Nicolas Sarkozy en 2012, au premier tour de l’élection présidentielle.

  6. Je suis depuis longtemps atterrée et horrifiée devant les productions des “artistes” bien vus et bien en cour. En tant que personne peignant moi-même (des abstraits ou semi-abstraits tout à fait indépendants comme style et pas du tout alignés), je me révolte devant l’ignoble vandalisme que constituent souvent ces aberrations sorties d’esprits abrutis par … quoi au juste ? et par l’audience qu’on leur accorde. Détruire cette espèce de pion géant (de truc machin dont je n’avais jamais entendu parler, moi aussi) était un devoir. L’ériger était un acte de vandalisme.

  7. Merci à vous pour cette analyse particulièrement pertinente d’un phénomène qui n’est effectivement pas nouveau mais qui s’enterre de plus en plus dans le ridicule, laissant découvrir l’ignorance et l’inculture abyssales de certaines élites auto-proclamées. Et d’ailleurs cette obsession permanente pour la sodomie et la scatologie dans une société à bout de souffle où la misère galopante le dispute a une fiscalité dévorante et à des castes idéologiques déconnectées des réalités quotidiennes, les renvoie très justement à leurs vraies valeurs.
    200 000 € pour les fantasmes personnels d’un imbécile alors que bientôt les associations caritatives nous rappelleront la nécessité des dons pour les sans-abris, je reste plutôt perplexe…

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