Une réforme destinée à retrouver le chemin des urnes.

Après avoir consciencieusement accompli mon double devoir électoral et en attendant sans émotion les résultats du premier tour, ses élus, ses retenus pour le second et son taux d’abstention, quelques réflexions me viennent à l’esprit. La première est globale : plus il y a d’élus, moins il y a d’électeurs. Moins les Français votent, plus les élections sont compliquées et plus la politique se professionnalise puisque seuls les spécialistes et ceux dont la vie va être directement marquée par une élection sont capables de s’y intéresser vraiment. De gros efforts ont d’ailleurs été accomplis pour que les risques du “métier” soient limités. Lorsqu’un ministre était battu à une élection, il était entendu qu’il devait démissionner de son poste. Lorsque le député devenait ministre, son suppléant le remplaçait mais lui-même ne retrouvait pas son siège sans repasser devant les électeurs. Désormais, il le récupère s’il le désire, mais son remplaçant, lui, doit remettre son siège en jeu si le titulaire ne le réoccupe pas  : une demi mesure du Conseil Constitutionnel qui favorise les grands “professionnels” au détriment des débutants. Les suppléants étaient dans le passé souvent des élus locaux d’un certain poids électoral. Ils sont de plus en plus nombreux à être les collaborateurs rémunérés du député, 57 dans l’étonnante assemblée actuelle, où certains confondent sans doute mandat électoral et entreprise.

Aujourd’hui, deux élections locales : départementales et régionales. Entre les communes et leurs divers regroupements d’une part, et l’Etat d’autre part, avec ses deux chambres législatives, on a donc laissé subsister deux étages du mille-feuille français, qui se partagent en théorie les compétences avec des découpages aussi absurdes que celui qui confie le collège au département et le lycée à la région. Ils n’hésitent cependant pas à s’occuper aussi du reste d’une manière plus ou moins détournée. La culture, le sport, le saupoudrage associatif mêlant le clientélisme et les préférences idéologiques sont des domaines qui passionnent souvent davantage les élus que d’autres sujets plus techniques laissés aux fonctionnaires. On avait pensé que le redécoupage des cantons et surtout des régions permettrait de limiter le nombre d’élus. Illusion ! Ils sont même un peu plus nombreux, mais qu’on se rassure, finalement ce n’est pas leur nombre qui pèse tellement sur les budgets que celui des fonctionnaires souvent redondants d’un étage à un autre, et que la décentralisation et la démagogie socialiste ont multipliés tandis que l’Etat cherchait à diminuer les siens avec les conséquences néfastes dans des domaines bien identifiés désormais comme la sécurité et la santé.

Pour intéresser l’électeur à son vote, il est préférable que son choix soit simple, et qu’il sache exactement ce qu’il implique. La “votation” suisse qui permet à un électeur de trancher par un oui ou un non une question claire est la meilleure solution. Mais il faut aussi que la plupart des sujets soient traités par des représentants. Le mieux est que ceux-ci soient directement connus des citoyens. C’est pourquoi le vote uninominal par circonscription est le plus simple et devrait être systématiquement appliqué à tous les niveaux depuis le conseiller municipal de quartier jusqu’au Sénateur. Il éviterait de voter à l’aveugle pour les chouchous d’un parti placés en tête de liste dans une élection proportionnelle. On dira que ce mode de scrutin empêche de représenter les opinions. Mais justement, un conseil, une assemblée ne sont pas des projections sondagières, ce sont des hommes et des femmes chargés d’oeuvrer ensemble pour le bien commun. Quant aux opinions, aux sensibilités des élus, ells apparaissent clairement dans leurs votes. C’est aujourd’hui un Sénateur démocrate, mais conservateur, de Virginie Occidentale qui pose le plus de problèmes au président Biden, et ses électeurs ne l’ont pas élu par hasard. Joe Manchin a déjà été gouverneur de l’Etat et ses idées conservatrices ne sont un secret pour personne. Les électeurs le désignent parce qu’ils le connaissent, et lui-même, ne devant son siège qu’à ses électeurs et non à un appareil, jouit de la dignité d’une indépendance qu’on aimerait voir chez les élus français, par exemple les députés qui à quelques heure d’intervalle votent une chose et son contraire sous l’injonction du gouvernement.

Les dernières législatures ont donc “torché” des réformes faites pour les élus, ni pour le pays, ni pour les citoyens. Le même jour, ces derniers votent pour des listes départementales en vue des régionales et pour des personnes cette fois destinées aux conseils départementaux. Comme le canton désignait son représentant de la même manière que la circonscription son député, on a introduit la mode idiote de la parité en faisant voter désormais pour des binômes, d’ailleurs pourvus de remplaçants. En somme, le mode de scrutin est différent d’une élection à l’autre, des municipales jusqu’aux européennes, et à la présidentielle où certes on retrouve le scrutin uninominal, mais sans suppléant, ce qui ne serait pas absurde, et sans triangulaire, ce qui loin de clarifier les choses, les complique avec le scandaleux “front républicain” qui allie des familles politiques qui n’ont rien de commun entre elles, avec la volonté d’exclure de la vie politique un parti qui devrait avoir rigoureusement les mêmes droits que les autres.

La disparition du département dont la taille était fixée par “une journée de cheval”, le retour à des régions plus proches des gens et revêtues d’une véritable identité, seraient des mesures de bon sens. Bien sûr, certaines régions actuelles, comme la Normandie, devraient être maintenues. Le vote uninominal par circonscription devrait être la règle dans toute élection, et l’introduction du référendum d’initiative populaire que j’avais inscrite dans une proposition de loi en 2011 viendrait couronner le tout. Ceci aiderait les Français à retrouver le chemin des urnes.

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4 commentaires

  1. Pour que les élections aient du sens il faudrait que les électeurs sachent pour qui il votent (parcours, opinions…) et pas simple appartenance à un parti. Il faudrait aussi que les députés, par exemple, soient moins nombreux et plus qualifiés, et qu’ils soient astreints à voter tous, à bulletin secret; et non comme des “godillots”; Il faudrait aussi de façon urgente supprimer des strates du “mille feuilles” (ex: supprimer les communautés de communes au profit de collaborations thématiques ponctuelles) éliminer toutes les redondances dans les travail des fonctionnaires grattes-papiers libèrerait des postes budgétaires pour des personnes plus utiles : médecins, pôlice, justice…

  2. Devant le taux d’abstention annoncé, deux attitudes: soit on rend le vote obligatoire comme en Suisse ou en Belgique, soit on passe à autre chose et on en finit avec la démocratie. Assez de tergiversations.

  3. C’est tout à fait ça, Monsieur Vanneste. J’ajouterais, si vous le permettez, que la sophistication des modes de scrutin au motif de construction d’une majorité d’exécutif forcée complique la perception par l’électeur du mécanisme enclenché par le dépôt de son bulletin dans l’urne.

    La vraie démocratie est à la proportionnelle à un tour (sans trafic d’intérêts entre deux tours). Quel que soit l’étage ou la circonscription visés, si une coalition majoritaire n’aboutit pas, le vote devrait être annulé et les candidats élus mais défaillants rendus inéligibles au nouveau tour. Le fameux “civisme” tant vanté commence à l’accord de gouvernement construit par les édiles.

    1. Et ça donne le pire des systèmes avec des majorités constituées de bric et de broc par des professionnels de la politique, chacun ayant son parti pour être élu. La proportionnelle est une illusion d’optique.

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