Du RPR à LR, ou l’histoire d’une chute …. (I)

Pour avoir rejoint le RPR dans ses débuts, et avoir été ensuite l’un de ses élus aux plans local et national durant trente ans, j’observe aujourd’hui avec effarement le naufrage de ce beau navire dont les structures ont été continuellement ravagées par l’arrivisme et le carriérisme, les calculs et les manoeuvres remplaçant les convictions et les engagements. La politique n’est certes pas une activité d’enfant de choeur. Les stratégies déployées, les tactiques employées comprennent leur part de stratagème et de mensonge, de rouerie et de duplicité. Le tout est de savoir si ces ombres sont nécessaires à l’intérêt général ou à ce que les chrétiens appellent le bien commun. La politique est l’art de conduire les affaires de la Cité, et de la servir en les conduisant le mieux possible, ce n’est pas  de se servir d’elle pour ses “propres” affaires lesquelles sont souvent assez sales. Le RPR se voulait gaulliste. On peut penser que l’austérité et l’intégrité du général de Gaulle  ne peuvent être mises en cause : aucun enrichissement personnel et même un refus de percevoir des revenus parfaitement légitimes. Pas davantage de privilèges pour les siens. Cette rectitude personnelle n’était pas kantienne : en politique, le général n’obéissait nullement à l’impératif catégorique du respect d’une loi universelle. En bon stratège, ses impératifs étaient tous hypothétiques, soumis à un objectif : l’indépendance et la grandeur de la France. Pour l’atteindre, les moyens étaient estimés en fonction de leur efficacité, et autrui pouvait être plus un moyen qu’une fin, contrairement à l’idéal kantien.

C’est le fondement du machiavélisme qui veut que la fin justifie les moyens. Cette conception était tempérée chez de Gaulle par sa foi chrétienne et par un réalisme politique qui l’amenait à se soumettre à l’esprit du temps. Lorsqu’il prononce son troisième appel, celui du 22 Juin 1940, il motive la résistance d’abord par le bon sens selon lequel la puissance est, contrairement à l’apparence, du côté des adversaires de l’Allemagne nazie, ensuite par la nécessité de servir l’intérêt supérieur de la patrie, son impératif hypothétique suprême, enfin par l’honneur, pour le coup une notion morale plus que politique. Sur ce troisième point, on peut penser que l’officier supérieur catholique répond à l’éthique qui a accompagné toute son éducation et sa formation. On peut aussi supposer qu’il y avait chez l’homme du 18 Juin, l’idée que dans un monde où la communication est de plus en plus importante, l’image est essentielle. Il en va ainsi des hommes, et on se souvient du rôle primordial que de Gaulle donnait au prestige, mais il en va de même pour les pays : leur image doit rayonner. D’où son attachement à faire de la France Libre, la seule France, celle de la Résistance, et à transformer son histoire en épopée. C’est le même réalisme qui lui faisait considérer la souveraineté populaire comme la seule source de légitimité convenable à notre époque, au travers des référendums et de l’élection du Président de la République au suffrage universel. Un autre contexte historique aurait pu faire de lui le connétable dévoué et ombrageux d’un roi de droit divin.

L’aspect le plus douloureux de cette conception politique réside dans la politique algérienne du Général : hissé au pouvoir par les partisans de l’Algérie française, il abandonna cette perspective, et fut même d’une rare dureté envers ceux qui en étaient partisans, y compris le million de Pieds-Noirs qui l’avaient accueilli en sauveur en 1958, et le haïrent ensuite avec le sentiment justifié d’avoir été trahis. La formule “je vous ai compris” est restée dans les mémoires comme le comble de la duplicité politique. Pour autant, de Gaulle était convaincu que la France ne pouvait retrouver indépendance et grandeur qu’en sortant des guerres coloniales qui freinaient son développement et ruinaient son image dans le monde. 13 ans plus tard, le Portugal juste après Salazar devait s’y résoudre lui aussi. Ce n’est certes pas la page la plus glorieuse du gaullisme, mais rétrospectivement elle paraît avoir été nécessaire, dans sa finalité plus que dans ses modalités. La France connut une croissance considérable et bénéficia d’une image largement positive dans le monde… jusqu’en 1968 et même après, mais avec un déclin économique et une perte de prestige qui de palier en palier l’ont fait choir où elle en est aujourd’hui : un pays qui ne se souvient plus d’un budget équilibré, qui recule inexorablement dans les classements mondiaux, et compte de moins en moins sur la scène internationale parce qu’il a perdu les moyens de sa puissance et de son indépendance.

Le RPR était un parti gaulliste qui se voulait, face au centre et à la gauche, le mouvement qui allait remettre la France sur la voie tracée par le général de Gaulle, celle d’une nation forte et respectée. Parmi les figures qui l’animaient, il y avait encore beaucoup de ces gens qui adhéraient à cette conception nationaliste de la politique française suivant laquelle l’intérêt supérieur du pays vient en premier, et implique que les moyens doivent être dirigés vers cet objectif. Mais peu à peu d’autres sont arrivés, qui ont conservé cette idée que la fin justifie les moyens, tout en considérant que la fin, le but de la politique, c’était le pouvoir, leur pouvoir, et rien d’autre. C’est toute l’histoire qui va du RPR à LR…. (à suivre)

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9 commentaires

  1. Le ” Gaulliste” Sarkosy a jeté son bébé avec l’eau du bain.
    Le ” Socialiste ” Hollande a fait de même.
    Plus de Droite, plus de Gauche, que de la place pour Macron. Mais jusqu’à quand ?
    Les électeurs feront leur choix en 2022, Écolos, En Marche ou RN , nous verrons bien quel lapin sortira du képi du Général !

  2. C’est très juste. Pour les gaullistes, la fin était l’indépendance et la grandeur de la France.
    Les Républicains ont abandonné cette fin mais ont du mal à en définir une autre. Ils ne veulent pas de la liberté et de son corollaire la prospérité. Alors ils proposent la sécurité, l’Etat protecteur. Ce n’est pas très motivant, et les autres partis proposent la même chose.

  3. Merci M. Vanneste pour ce rappel historique nécessaire pour comprendre l’évolution du parti gaulliste. Oui, ainsi que vous le rappelez, Charles de Gaulle avant chaque décision qu’il prenait, se posait la question de savoir si celle-ci était conforme ou non à l’intérêt supérieur de la patrie et à l’idée qu’il se faisait de la France, peu importe les conséquences sur les Français (on l’a vu avec les pieds-noirs).

  4. Malheureusement, en démocratie, on ne fait pas un pays avec ses idées (aussi bonnes soient-elles) mais aussi avec son Peuple ( et quel qu’il soit).
    L’Algérie ne redeviendra plus jamais française mais la France devient de plus en plus l’Algérie. Alors qui avait raison ?

    1. Helas de nos jours, le peuple français fait passer ses intérêts matériels avant ceux, plus nobles, de la France, tout le fond du problème est là.

    2. C’est évidemment de Gaulle qui avait raison.

      Si l’Algérie était encore française, il y aurait 40 millions de musulmans de plus ayant le droit de vote.
      L’augmentation de la population en Algérie, comme dans le reste de l’Afrique, était déjà prévisible à l’époque, car précisément la forte hausse de la population est une des causes cachée de la guerre (cela conduit, et conduira, à la pauvreté, puis au ressentiment).

      Voyez par exemple ce passage de Germaine Tillion, écrit en 1957 :

      http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2008/04/21/8903210.html
      “L’Algérie compte aujourd’hui neuf ou dix millions d’habitants ; en 1830, elle en avait probablement moins de deux millions ; les statisticiens prévoyaient pour elle (si les conditions économiques de 1954 s’étaient maintenues) vingt millions dans vingt ans et quarante millions dans quarante ans. Tout cela est fou, car une Algérie autonome, donc nécessairement agricole, n’en peut nourrir – mal – que deux ou trois millions.”

      On ne peut pas conclure, de la mauvaise politique menée par ses successeurs, que son choix de 1962 était mauvais.
      Et les gens du FN ancienne mode, qui veulent à la fois moins d’immigration et la possibilité de détester de Gaulle, ne sont pas très cohérents.

      NB :
      – la libre circulation entre la France et l’Algérie pour les musulmans d’Algérie fut instaurée en 1946, par la gauche revenue au pouvoir, et en vigueur jusque 1962.
      – le livre de Lefeuvre, “pour en finir avec la repentance coloniale”, donne quelques éléments chiffrés sur la politique migratoire menée par la France sous de Gaulle (1962 1968) et Pompidou, et permet de confirmer l’approbation à la politique de De Gaulle.
      – le film de Schoendoerffer, “le crabe tambour”, comporte quelques séquences de haute mer pendant lesquelles le personnage écoute, impassible, les annonces de la radio semblant donner raison à sa mélancolie : crise pétrolière, etc. Mais il s’agit là, en réalité, des conséquences d’une autre politique, celle menée par les US.

  5. Et ce n’était pas le cas du Général qui lui, payait même ses factures à l’Élysée, ce que plus personne n’a fait par la suite. Et l’on peut constater que les Français n’ont plus eu à leur tête, ce type d’exemplarité .
    Alors que ce nous coûte les retraites de nos ex-Présidents est à peine imaginable.

    L’exemple et même l’éducation approchant une certaine idée de la France ne sont plus de mise, au grand détriment des générations à venir. Tout le mal est là…Un peuple qui se retrouve sans héros, sans modèle et sans repère ne peut à l’avenir que décevoir !

  6. Il est instructif de comparer la décadence de l’ancienne Rome avec la situation actuelle de la France : perte des valeurs essentielles, esprit de jouissance, irresponsabilité… au niveau des dirigeants et du peuple; je n’ose plus l’écrire avec un P majuscule !

  7. Il faut croire que toute décadence, disparition, décrépitude, déchéance ne sont que des évènements naturellement inéluctables en ce monde, à moins que le ” Ciel” n’en décide autrement…

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