Eva Joly condamnée ou les préjugés d’un juge…

jolyLa Cour d’Appel vient de confirmer la condamnation d’Eva Joly pour diffamation à mon encontre. Cette décision n’a pas l’éclat qu’elle mériterait alors qu’elle est pleine d’enseignements. D’abord, en mettant un terme à mon parcours judiciaire, elle me permet de rappeler que je n’ai fait l’objet d’aucune condamnation, tandis que mes plaintes ont abouti à celles de Jean Vincent Placé, de Frédéric Mitterrand, et de Mme Joly. Ceci me donne donc l’occasion de préciser aux journalistes dont le nez fonctionne mal, que l’épithète “sulfureux” qu’il m’attribuaient était dénuée du moindre fondement. Il s’agissait d’un mot destiné à m’exclure du jeu qu’ils mettent en scène, un jeu de pouvoir qui est une injure quotidienne au véritable journalisme. Une de mes plaintes n’a pas encore entraîné de condamnation. Il s’agit cette fois d’une action contre l’Etat, puisque j’avais attaqué l’Express qui m’avait comme Mme Joly traité de négationniste. Malheureusement, par une grande malchance, le dossier a été égaré… le temps de la prescription.

Ce mot de négationniste nous donne une et même deux leçons. En premier lieu, l’extension abusive de l’emploi de certains termes sous-tend le procédé de l’amalgame qui permet d’incriminer des attitudes justifiées et des raisonnements solides. C’est ainsi que les communistes transformaient en fascistes tous leurs opposants un peu déterminés. De même, si le négationniste est celui qui nie l’existence d’un fait historique, c’est une aberration d’affubler du même terme celui qui conteste ce qui a eu lieu et celui qui démontre que certains événements sont des inventions, des mensonges au service d’idéologies. Dans l’affaire qui m’opposait à Mme Joly, les choses sont claires. Est négationniste celui qui nie la Shoah, c’est-à-dire la déportation et l’extermination de Juifs  en raison de leur supposée race dans toute l’Europe occupée par les nazis. Je conteste si peu cette tragédie que j’ai prononcé un discours chargé d’émotion à Auschwitz-Birkenau à l’issue d’un déplacement organisé par celui qui est actuellement le grand Rabbin de France. En second lieu, le concept de négationnisme employé à tout propos crée une confusion dans la lecture de l’histoire et révèle l’utilisation idéologique de celle-ci. Si un fait est utile à un parti ou à un pouvoir, alors il faut faire taire ceux qui le contestent en stigmatisant leur pensée avant même de l’étudier. J’ai dénoncé la déformation des faits à des fins de propagande en ce qui concerne la déportation des homosexuels. J’aurais sans doute dû insister davantage sur le caractère odieux pour un groupe de vouloir revendiquer son holocauste afin de manipuler l’opinion.. Les nazis voulaient anéantir les Juifs parce qu’ils étaient Juifs. Ils reprochaient aux homosexuels allemands de ne pas faire les enfants qui seraient les soldats de demain et voulaient davantage les contraindre à rentrer dans la norme que les détruire. C’est pour cette raison qu’ils ne les ont pas persécutés en dehors de l’Allemagne comme ont tenté de le faire croire des livres, des articles, des films. Avec une grande rigueur, le second rapport sur la déportation des homosexuels, sous la direction de Mikaël Bertrand, rappelle les chiffres. Peu de Français sont concernés : une soixantaine en Allemagne, 6 ou 7 en France même. Pour ces derniers, on sait quelle était leur “orientation”sexuelle, mais rien n’établit qu’elle était la cause de leur déportation. Dans l’ensemble, il s’agissait de réprimer des comportements précis et non d’éradiquer une identité. Ni dans les chiffres, ni dans les méthodes, ni dans les objectifs, il n’y a de rapport avec les 76000 Juifs déportés de France. Reconnaître cette différence n’est en rien approuver le nazisme, ses buts et les horreurs commises pour les atteindre. Serge Klarsfeld m’a apporté son témoignage. L’aurait-il fait, s’il m’avait cru capable de la moindre sympathie envers le nazisme ?

Or, Mme Joly, donneuse de leçon qui se présente volontiers comme un magistrat impartial et rigoureux et qui dit avoir affronté les puissants au nom de sa conception de la justice, n’a procédé à aucune instruction, et, pour comble, en tant qu’élue écologiste n’a respecté aucune précaution. Ses propos sont haineux et vindicatifs. “Vanneste, désormais coutumier des dérapages homophobes, vient de passer un cran supplémentaire dans l’ignoble, en niant la réalité de la déportation des homosexuels pendant la seconde guerre mondiale”.. Il “fait une référence sans nuance aux propos négationnistes”.. Cela “renvoie à la même abjection que leurs bourreaux”. En matière de dérapage, on peut difficilement faire mieux. Elle n’a aucune connaissance du sujet et l’évoque avec un excès verbal indigne d’un débat politique. Or, elle m’accuse gratuitement de dérapages pour quelques rares déclarations déformées et surexploitées par des médias. Lorsqu’un élu pense en ligne droite, avec constance, en s’appuyant sur des connaissances, et qu’il n’est pas condamné, il ne dérape pas. Mme Joly ne peut pas en dire autant.

En fait, comme son avocat l’a involontairement souligné dans sa plaidoirie, le mot important n’était pas “négationniste”, mais “homophobe”, car quand on est homophobe, alors on est capable de tous les crimes. C’est là encore une révélation : ce mot est un terme de commissaire politique, comme révisionniste ou fasciste. Son emploi est abusif puisqu’il devrait étymologiquement désigner la peur pathologique du “même”. Admettons que ce “même” soit l’homosexuel. Le fait d’avoir un jugement moral négatif sur des comportements n’est en rien une peur maladive. C’est une opinion. Qu’un ancien magistrat devenu parlementaire européen puisse faire de ses préjugés des armes pour museler l’adversaire, afin non de débattre avec lui, mais de l’exclure du débat, en en faisant un nazi, fait froid dans le dos. Une démocratie saine peut condamner des actes. Elle ne peut accepter qu’on réduise le porteur d’une opinion différente à un criminel né. Car c’est le chemin emprunté par tous les totalitarismes, de 1793 jusqu’à nos jours.

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22 commentaires

  1. Je suis heureuse pour vous M.VANNEST que cette femme que j’ai toujours considéré plus comme une “harpie” avec des propos de haine que comme un juge impartial, malheureusement nous vivons une époque avec cette gauche, de dictature, on est muselé, privé de liberté d’expression, et nous n’avons personne qui puisse nous sortir de là, et j’ai bien peur qu’en 2017 on reparte avec les mêmes s’il n’y a pas de réaction….

  2. ” Est négationniste celui qui nie la Shoah, c’est-à-dire la déportation et l’extermination de Juifs ”

    Ne vous comportez pas sur ce sujet comme vous reprochez à d’autres qu’on ait fait avec vous. Cela vous déconsidère.

    Les révisionnistes n’ont jamais nié la déportation. Ils contestent les chambres à gaz et le nombre mythique de six millions de victimes juives.

    On peut se reporter à ma page :

    http://laconnaissanceouverteetsesennemis.blogspot.fr/2012/08/tout-le-monde-en-parle-france-2-18.html

    1. Comme d’habitude, vous faîtes preuve de rigueur et de précision. En fait, je voulais seulement résumer la position de la Justice. Ceux qui nient les crimes condamnés à Nuremberg et notamment la déportation des Juifs,sont négationnistes. Pas s’ils nient d’autres faits surtout s’ils ne sont pas établis : c’est la différence entre l’emploi polémique du mot et sa restriction judiciaire que je ne peux qu’approuver après ce jugement.

      1. Je ne nie rien ; je réclame seulement un espace de libre expression :

        Pour faire vite, 1 – je ne me considère pas comme révisionniste ou négationniste ; et, 2 – Les révisionnistes ou négationnistes ne m’ont jamais considéré comme un des leurs, seulement comme quelqu’un qui promeut une totale liberté d’expression. Il est vrai, comme l’écrivit Jacques Derrida, que « l’accusation [de révisionnisme] est désormais à la disposition du premier venu qui n’entendrait rien à [la] nécessité critique » (Spectres de Marx, page 172, note 1) et les premiers venus sont légion …

        (je pourrais vous attaquer en diffamation…)

        1. Personne ne pourra jamais nier ou réviser la politique d’extermination du parti nazi et c’est là le plus important car, seule l’intention est déjà, par elle-même monstrueuse et condamnable.

          Je suis très attristé à la pensée qu’un seul ancien Déporté puisse lire certains de ces commentaires.

  3. Je ne connaissais pas cette affaire édifiante et révélatrice de la situation de ce pays qui sombre rapidement dans la dictature de la pensée unique et de la manipulation gauchisante. Elle mériterait une large couverture médiatique pour ouvrir les yeux des français…
    Un mot sur l’Express, journal en quasi faillite, médaille d’or de la malhonnêteté intellectuelle que je ne suis pas surpris de retrouver encore une fois ici en train de proférer des allégations mensongères.

  4. Comme l’écrivit en 1993 Jacques Derrida, « l’accusation [de révisionnisme] est désormais à la disposition du premier venu qui n’entendrait rien à [la] nécessité critique » (Spectres de Marx, page 172, note 1) et les premiers venus sont légion …

  5. Content pour vous, mais quand bien même les « homosexuels » déportés n’auraient été qu’au nombre de dix, c’est plus d’un état d’esprit dont il s’agit que de chiffres, me faisant penser à Anna Freud militant toute sa vie pour faire des homosexuels de “bons pères de famille”.
    La psychanalyse en seconde fille de l’église, l’aînée en son temps étant l’inquisition aujourd’hui appelée « dogme de la foi ». Le coming out récent de l’un de ses piliers a de quoi faire sourire.
    En tout cas, notre sexualité à toutes et tous sera toujours d’un grand intérêt… Particulièrement celle du masculin car, sauf erreur, les lois pénalisant l’homosexualité en Allemagne, renforcée sous le régime nazi, ne concernaient qu’eux. Le lesbiannisme, tout le monde s’en foutait. Et il n’y a pas grand chose de changé pour ce qui est de cette doxa viscérale pour certains.

    1. ” Le lesbiannisme, tout le monde s’en foutait. ”

      C’était également le cas en Grande Bretagne ; ceci à l’époque (de 1791 à 1942) où en France l’homosexualité ne tombait en aucune manière sous le coup de la loi.

  6. Cette décision est une bonne nouvelle pour vous et ce n’est que justice. Mme Joly n’a été qu’un juge politique qui s’est orienté après sa carrière vers la politique qu’elle n’avait jamais finalement quittée. Ces victoires judiciaires sont rares et il faut les apprécier à l’aune de toutes les iniquités prononcées chaque jour par les tribunaux français.

    Tout cela est très bien et très moral sauf que :

    Votre carrière politique a été brisée même si longtemps après est reconnue une erreur judiciaire et politique. Le parti des républicains va-t-il pour autant vous réhabiliter ? Bien sûr que non, les dégâts sont faits et irréparables, sans doute.

    L’objectif de faire taire une voix dissonante a été malgré tout atteint puisque les médias de la propagande ne vont pas revoir leur position vis-à-vis de vous en dépit de cette dernière décision de justice. Sa grosse exécutoire ne rapportera pas, hélas, l’excommunication politique et sociale dont vous étiez le prévenu. Vous êtes lavé judiciairement mais pas médiatiquement. C’est cela qui est révoltant.

    En attendant, l’inquisition laïque poursuit sa basse besogne. La liberté d’expression est muselée comme jamais et aucune formation politique ne semble vouloir mettre son rétablissement à l’ordre du jour.

  7. Il ne se passe pas de jour sans que ne soient faits des procès d’opinion. On se croirait à Moscou dans les années 50. La France s’enfonce dans toutes les dérisions. Félicitations pour avoir vaincu cette vieille hyène… Je m’interrogeais aussi depuis longtemps sur la validité sémantique de cet anathème de ” homophobie “. En effet, il aurait mieux valu aux censeurs aller chercher un mot issu du verlan moderne, ou des chansons de rap, plutôt que d’aller essayer de faire savant en inventant un terme aux références éthimologiques plutôt boîteuses. Leur sens de la vertu n’en sort pas grandi.

    1. ” On se croirait à Moscou dans les années 50. ”

      Vous avez raison. La correction politique vient directement du stalinisme, et non de l’Inquisition comme certains le croient.

  8. Monsieur Vanneste, je ne suis pas gaulliste, mais hersantiste (cf. mon livre “Economie ou socialisme: il faut choisir), mais je reconnais que vous avez des côtés extrêmement sympathiques.
    Comme Nadine Morano, bien que j’estime que vous n’osez pas toujours aller au fond des choses, il y a chez vous quelque chose d’irréductible, qu’il ne faut pas toucher: je veux parler de l’amour de la France.
    Certes, on pourrait dire que vous avez l’un et l’autre un fond d’ambition personnelle, mais malgré tout, on sent, chez l’un comme chez l’autre, quelque chose qui ne passe pas, que vous en avez marre de vous faire tr…
    Méfiez-vous tout de même: n’oubliez pas que Brasillach, en 1945, n’a été fusillé que pour ses idées et ses écrits. Certains disent même que sa grâce aurait été refusée sur une photo truquée (lors de son voyage à Katyn).

  9. Bonjour M. Vanneste,

    Je vous fais part de ma satisfaction quand à la confirmation de ce jugement. La liberté d’expression n’a jamais toléré que l’on puisse diffamer publiquement des personnes en toute impunité et j’espère qu’à l’avenir certains se montreront plus prudents quand ils décideront de mettre en cause la probité de leurs adversaires politiques.

    J’aimerais quand même réagir face à l’un de vos arguments lorsque vous écrivez: “ce mot est un terme de commissaire politique, comme révisionniste ou fasciste. Son emploi est abusif puisqu’il devrait étymologiquement désigner la peur pathologique du « même ».”
    Autant je dénie toute valeur sémantique au terme “homophobe” dont je considère qu’il agit comme un four-tout mettant dans le même panier aussi bien les bigots agressant un homosexuel dans la rue du fait de sa vie sexuelle que toute personne exprimant la moindre désapprobation, même la plus modérée et argumentée, de tout comportement homosexuel autant je me dis que notre ligne d’attaque est faible si nous essayons de démontrer l’absurde en le réduisant à l’étymologie.
    Ce n’est pas l’étymologie du mot qui compte mais le sens dans lequel on l’emploie. Hors personne n’est accusé d’avoir une “peur du même” mais d’éprouver une détestation envers les homosexuels en général. Ce qui est bien sûr pas vrai.

    1. Il ne faut pas accepter les mots fabriqués par les totalitaires car si on les emploie on invite à penser comme eux. Muray a critiqué “la cage aux phobes” avec beaucoup d’humour. La phobie est une maladie. Le mot sert à stigmatiser des attitudes parfaitement légitimes. Le patriotisme qui revendique la préférence nationale n’est pas de la “xénophobie”.

  10. @ David:

    Le vocabulaire de la langue français est suffisamment varié pour que les gens de justice s’expriment précisément. C’est donc par acculturation – voire par adhésion à la lingua tertii imperii – que des magistrats ont renvoyé Marine Le Pen devant le tribunal correctionnel de Lyon pour “incitation à la haine raciale” concernant une critique à l’encontre d’un rite mahométan exercé sur le domaine public. Comment pouvez-vous admettre cette acculturation, sachant que la Justice est rendue au nom de peuple français ?

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