Séance du 1er février

Retrouvez -moi en vidéo, lors de la séance visant à l’examen de la proposition de loi relative à l’usurpation d’identité, en cliquant sur le lien suivant :

http://www.assemblee-nationale.tv/chaines.html?media=3192&synchro=1701328

Vous trouverez ci-dessous mon intervention en séance.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui à la dernière étape de l’étude du texte consacré à la protection de l’identité. Je serais tenté de dire que le chemin que nous avons suivi a été beaucoup trop long en raison des obstacles que certains ont cru devoir mettre à notre recherche d’une protection des personnes contre un délit particulièrement douloureux de notre époque, notamment en raison de son développement sur internet.

L’usurpation de l’identité consiste à s’emparer de ce qui constitue l’essentiel pour une personne dans son existence sociale : être bien celle qu’elle est, être reconnue comme telle par les autres, capable d’agir et de faire valoir ses droits. À partir du moment où l’usurpateur a pris sa place, la vie de la victime peut devenir un cauchemar. Elle peut être ainsi privée de l’usage de ses biens et de ses avoirs, poursuivie en justice pour des faits qu’elle n’a pas commis, empêchée de se marier et de se déplacer. Bref, sa vie peut être totalement vampirisée.

Il existe trois façons de lutter contre ce fléau, qui est en expansion. L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales recensait 13 900 fraudes documentaires à l’identité en 2009, la direction des affaires criminelles et des grâces avait estimé à 11 621 le nombre des condamnations correspondantes. Si l’on élargit le champ de la délinquance identitaire à l’usage illicite de données personnelles, les chiffres sont beaucoup plus considérables, puisque le Credoc a publié une étude relevant 210 000 victimes en 2009 et 213 000 en 2010. Le coût en est évalué pour 2010 par l’inspection générale de l’administration à 20 milliards d’euros.

Certes, il est possible de considérer que le champ de ces infractions est plus large que celui de l’usurpation d’identité, mais il me paraît intéressant de souligner que ces fameuses données personnelles que l’on veut protéger de l’intrusion des services publics ne sont effectivement pas suffisamment protégées, mais des fraudeurs.

La première solution consiste à prendre la fraude en général, et la fraude à l’identité en particulier, au sérieux. Deux réponses peuvent alors être apportées : soit l’on prévient le risque en amont en établissant un registre national des personnes, avec un numéro unique d’identification. Cette mesure, qui existe dans plusieurs pays européens, de vieilles démocraties comme la Suède ou la Belgique, est un moyen de contrôle légitime dans une démocratie sociale ou l’État providence se donne les moyens d’éviter les abus et les fraudes qui peuvent naître d’un système de protection sociale très généreux. Soit l’on considère, dans une conception plus libérale, que l’individu, moins protégé socialement, ne doit pas non plus subir un contrôle social trop important, ce qui est le cas en général dans les pays anglo-saxons. Mais alors, on punit très sévèrement les usurpations.

Depuis 2005, le Royaume Uni avec le Fraud Bill considère l’usurpation d’identité comme un crime passible de dix ans d’emprisonnement. Le Canada applique la même peine de dix ans. De nombreux pays augmentent les peines afin d’enrayer l’accroissement des usurpations d’identité numérique. On comprend la logique propre aux deux systèmes, préventif ou répressif : soit l’on protège les victimes a priori en contrôlant davantage tout le monde ; soit l’on protège au maximum les donnés personnelles de tout contrôle, mais alors on réprime avec sévérité et a posteriori les atteintes à l’identité qui proviennent justement de la faiblesse du contrôle.

La seconde solution adoptée par le Sénat dans ce que certains appellent sa sagesse consiste à ne jeter qu’un regard distrait sur les victimes et à se priver des moyens d’identifier l’usurpateur. Vous pensez : cela risquerait d’éviter la récidive ! La raison invoquée est le respect des libertés publiques, c’est-à-dire des libertés abstraites qui vont protéger l’anonymat du délinquant au détriment de ses futures victimes. La belle âme socialiste détourne pudiquement son regard des victimes pour se pâmer devant la statue de la liberté tandis que, très concrètement, des personnes en chair et en os perdent leur liberté réelle d’agir, de vivre, d’être elles-mêmes. La belle âme socialiste veut avoir les mains pures, mais c’est parce qu’elle n’a pas de mains, comme aurait dit Charles Péguy, des mains capables d’arrêter les faussaires.

Il faut d’ailleurs reconnaître que la belle âme socialiste en connaît un bout en matière d’usurpation !

M. Serge Blisko. Pardon ?

M. Christian Vanneste. « La République rattrapera les délinquants », proclame son candidat, mais nous voyons, nous, que texte après texte le parti socialiste fait tout pour qu’on ne les rattrape pas ou qu’on les relâche au plus vite. C’est particulièrement net dans le cas présent puisque le groupe socialiste s’arc-boute sur la technique du lien faible qui ne permet pas d’identifier l’usurpateur, de rattraper le délinquant. Dites-le à votre candidat !

Lors de son audition par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, Michel Bergue, directeur du projet de lutte sur la fraude documentaire et d’identité, soulignait que 80 % des fraudes à l’identité détectées sont le fait de ressortissants étrangers souhaitant se maintenir irrégulièrement sur le territoire. Il ajoutait que ces faux titres de séjour pouvaient servir de support à d’autres fraudes, à la législation du travail comme à la législation fiscale ou sociale, ou encore à mettre en place des escroqueries pures et simples. On comprend mieux, avec cet exemple, l’hostilité du groupe socialiste, notamment au Sénat, à l’encontre de ce texte.

Entre ces deux solutions, nous en avons choisi une troisième, médiane, que le rapporteur a rappelée tout à l’heure. Cette solution devait s’adapter aux avis de la CNIL, toujours frileuse quant aux croisements de fichiers. Je rappelle, comme l’a très bien fait Michel Hunault tout à l’heure, que la CNIL doit certes être écoutée, mais que sa légitimité est inférieure à celle du Parlement. Dans le texte issu de la seconde lecture à l’Assemblée nationale, il s’agit d’une part de se donner les moyens d’identifier les usurpateurs afin d’éviter toute récidive et de protéger efficacement les victimes. C’est pourquoi nous avons retenu la technique du lien fort dans la base TES.

En revanche, nous avons exclu toute possibilité de recours à la reconnaissance faciale. La base ne pourra être consultée que sous le contrôle d’un magistrat, uniquement dans le cadre des enquêtes de flagrance, des enquêtes préliminaires, dans l’exécution de commissions rogatoires liées à des infractions de fraudes à l’identité, ou encore pour l’identification de victimes de catastrophes naturelles. Un exemple récent vient de nous rappeler l’utilité de cet usage, M. le rapporteur y a fait référence.

Ces reculs par rapport au texte initial avaient pour but de permettre un consensus, une unanimité sur un sujet qui n’aurait pas dû créer de polémique puisqu’il touche à trois questions majeures. Malheureusement l’opposition désormais majoritaire au Sénat s’y est refusée en ignorant superbement trois questions.

D’abord celle de la protection des victimes. Il est clair que l’opposition défend la liberté du renard fraudeur dans le poulailler des honnêtes gens.

Ensuite celle de la lutte contre la fraude, qui contribue si puissamment au déséquilibre de notre dépense publique et transforme donc tous les Français en victimes.

Enfin celle de la volonté de faire que non seulement le délit soit rendu plus difficile mais aussi que le délinquant soit rattrapé et sanctionné.

Ce texte est donc nécessaire même s’il n’est pas suffisant, et le groupe UMP le soutient en soulignant du même coup l’irresponsabilité à répétition de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

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