La théorie du genre

Mon collègue Philippe Gosselin a interrogé Luc Chatel à propos du contenu des manuels scolaires de Première L et ES et du programme « droit et grands enjeux du monde contemporain » en terminale L. Le ministre a apporté une réponse prudente. On remarquera qu’il ne défend plus l’idée saugrenue selon laquelle la théorie du genre serait scientifique, mais on regrettera que le flou des programmes accentué par le langage technocratique du ministère permet les dérives actuelles qui entretiennent la confusion au lieu de former des esprits clairs. Cette confusion facilite le développement d’idéologies absurdes et envahissantes.

Séance des questions orales sans débat, 6 décembre 2011:

M. Gosselin Je souhaite effectivement interroger M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la présence de la théorie du genre dans les manuels scolaires de sciences de la vie et de la terre des lycéens de première L et ES – afin de clore, si possible, une polémique à ce sujet.

La théorie du genre affirme, vous le savez, que l’identité sexuelle n’est pas une donnée biologique, mais une construction sociale. Or, cette théorie ne repose sur aucun fondement scientifique et n’a donc pas sa place dans un cours de biologie. Plus de 200 parlementaires se sont prononcés contre l’utilisation des manuels y faisant référence.

Par ailleurs, selon un sondage publié dans Valeurs actuelles en novembre dernier, 54 % des Français jugent que l’intitulé du chapitre de biologie concerné est « source de confusion pour des adolescents » ; 55 % des personnes interrogées souhaitent également que l’épreuve de biologie du baccalauréat ne porte pas sur ce sujet controversé.

Une succession de faits récents entretient un climat que l’on pourrait qualifier de pesant sur des enjeux sensibles, des questions dites de société, qui concernent la condition humaine, la procréation et l’organisation de la société. Je pense à l’étude des familles homoparentales par les élèves de terminale littéraire, au jugement de Bayonne confiant l’autorité parentale à deux femmes sans référence à des « circonstances particulières » qui sont pourtant habituellement exigées, à la célébration d’un mariage gay dans les Pyrénées orientales et à des déclarations publiques, y compris au niveau ministériel.

Toutes ces questions, à l’instar de celle du genre, méritent bien sûr – je le dis sans aucune équivoque – un débat entre experts, élus et représentants de la société civile, mais pas un enseignement au lycée et en tout cas, me semble-t-il, pas en SVT. C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous donniez des réponses claires, que vous nous assuriez de façon définitive que ce chapitre sur le genre ne sera pas étudié en cours de SVT, qu’aucune question ne sera posée sur ce sujet au baccalauréat et que toutes instructions seront données dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur Gosselin, je voudrais d’abord vous rappeler le processus d’élaboration de nos programmes scolaires. Il suit un protocole défini et précis, qui associe inspecteurs généraux de l’éducation nationale, professeurs, chercheurs et universitaires. Il est suivi d’une période de large consultation publique, avant présentation devant le Conseil supérieur de l’éducation.

Les programmes qui en résultent sont conformes à l’état actuel des connaissances scientifiques. Les éditeurs scolaires s’appuient ensuite sur ces programmes pour élaborer leurs propres manuels, et ce sous leur propre responsabilité éditoriale. Il y a donc, en la matière, liberté éditoriale.

En ce qui concerne la théorie du genre, sur laquelle vous m’avez interrogé, je veux vous dire que les critiques que nous avons entendues ici ou là sur les programmes sont infondées. En effet, la théorie du genre n’apparaît tout simplement pas dans les programmes, qui abordent la mise en place des structures et de la fonctionnalité des appareils sexuels au cours du développement. La polémique repose donc sur l’orientation éditoriale de quelques éditeurs scolaires et non sur l’analyse du programme lui-même.

Je ne voudrais donc pas qu’il y ait le moindre amalgame entre, d’un côté, les programmes, qui reposent sur une approche scientifique et, de l’autre, l’approche que certains manuels en ont, qui relève, comme vous l’avez souligné, des sciences sociales. Je le dis clairement : le programme de SVT ne mentionne ni n’aborde cette notion du genre et il n’y aura donc aucune question sur ce thème au baccalauréat. Je fais toute confiance au sérieux des professeurs pour enseigner aussi bien la lettre que l’esprit du programme. Les ressources sont d’ailleurs extrêmement variées à l’heure du numérique : elles ne se limitent pas à quelques manuels.

S’agissant maintenant de la question de l’homoparentalité, à laquelle vous avez fait référence dans la seconde partie de votre question, je voudrais en profiter pour souligner l’intérêt du nouvel enseignement que nous avons créé dans le cadre de la réforme du lycée. Il est intitulé « droit et grands enjeux du monde contemporain » et sera proposé aux élèves de terminale littéraire à partir de la prochaine rentrée. L’objectif est de faire découvrir le droit aux élèves en leur montrant comment il régule et encadre les individus et plus largement les questions contemporaines. Il s’inscrit dans le cadre de la revalorisation de la filière littéraire, en vue d’offrir aux élèves de nouveaux débouchés et un cursus de haut niveau.

Je tiens à préciser que la mention de ces questions de société ne signifie nullement leur reconnaissance et leur définition légales. Il s’agit simplement de montrer aux élèves les réponses qui leur sont apportées par le droit sous toutes ses formes. Il s’agit de montrer comment le droit répond aujourd’hui à des situations réelles. Le thème consacré à l’évolution de la famille donne ainsi l’occasion de traiter des grands domaines du droit de la famille, ainsi que de leur évolution, à travers les questions nouvelles qu’ont eues à traiter les juridictions et les pouvoirs publics.

La notion d’homoparentalité est, à ce titre, un exemple de sujet dont le droit est saisi au quotidien dans les juridictions. Elle est aussi traitée en tant que telle dans toutes les facultés de droit. Il ne s’agit en aucun cas de reconnaître l’homoparentalité, pas davantage d’ailleurs que de reconnaître l’euthanasie ou la vente d’organes, qui sont abordés dans le thème « la vie, le corps, la santé ».

Monsieur le député, j’entends vos inquiétudes, ainsi que celles des familles, et je tiens à vous rassurer pleinement : les connaissances qui seront exigibles au baccalauréat sont bien celles mentionnées dans les programmes et non celles des manuels de SVT que vous avez évoqués. Il n’y aura donc pas de question sur la théorie du genre. La notion d’homoparentalité n’est quant à elle qu’un exemple de sujet, abordé dans le cadre d’une réflexion générale qui est aujourd’hui traitée par le droit et enseignée dans les études supérieures de droit.


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Un commentaire

  1. « cette théorie ne repose sur aucun fondement scientifique et n’a donc pas sa place dans un cours de biologie. »

    Je trouve ce Monsieur Gosselin bien péremptoire.

    De quels savoir ou autorité peut-il valablement se prévaloir, lui qui n’est ni biologiste, ni anthropologue, mais… juriste ?

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