Intervention sur la justice et les jurés populaires

L’Assemblée a commencé l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. Voici mon intervention :

« L’évolution historique voulue par l’Etat tend à réduire la présence du jury dans les enceintes de justice à mesure qu’il devient plus démocratique dans sa désignation. La justice, de plus en plus rendue par une caste n’en continue pas moins de proclamer ses jugements « au nom du Peuple Français ».

J’emprunte cette citation à l’excellent ouvrage écrit, il y a plus de quinze ans déjà par notre collègue et ancien ministre Patrick Devedjan, le Temps des Juges. La correctionnalisation, la réforme annoncée de la Cour d’Assises lui donnèrent raison. Le texte que nous étudions aujourd’hui est une première réaction salutaire quoiqu’insuffisante face à cette tendance détestable.

Détestable pour trois raisons. D’abord parce qu’elle participe à ce vaste mouvement qui tend à déposséder le peuple et ses représentants de leur légitimité en les bandelettant dans les avis et les jurisprudences d’en haut avec la CEDH et le Conseil Constitutionnel, d’à coté avec la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat, ou encore les Autorités Administratives indépendantes, d’en bas enfin avec les décisions judiciaires absurdes ou contraires à l’esprit des lois.

Détestable encore parce qu’elle consacre la prétention des techniciens à empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. Le mépris des justiciables, l’orgueil du technicien de la justice éclatent dans les déclarations du juge Burgaud « expliquant sa méthodologie » ou affirmant : «J’avais une mission technique ». Que ce soit à l’égard des victimes ou à l’égard des présumés coupables, en l’occurrence dans l’affaire d’Outreau à l’égard de ces présumés coupables victimes d’une épouvantable erreur judiciaire : où est l’humanité ?

Détestable enfin, parce qu’elle souligne le pouvoir d’une caste enfermée dans un corporatisme, cet esprit de corps de magistrats inamovibles dont Tocqueville pointait le danger : « l’inamovibilité créée pour la garantie du justiciable ne profite qu’au juge contre les justiciables. L’inamovibilité qui permet au juge de monter sans pouvoir descendre est dangereuse ».

C’est un autre de nos grands auteurs libéraux, Benjamin Constant qui écrivait : « l’esprit de corps n’est à redouter que lorsque l’institution des jurés n’existe pas ». Le texte d’aujourd’hui répond exactement à cette préoccupation.

Redonner à la justice sa légitimité démocratique, protéger les magistrats contre une dérive technocratique, rendre aux décisions judiciaires leur lien avec l’attente de la population, leur donner aussi plus d’humanité : tels sont les objectifs de ce projet de loi qui va dans la bonne direction puisqu’il associe désormais des citoyens au jugement des délits les plus graves et aux décisions en matière d’application des peines. Voilà des années que des crimes sont commis par des récidivistes alors que la simple application de la peine aurait dû maintenir le criminel en détention au moment de la récidive. Les statistiques sont inaudibles à ce sujet dans la mesure où un innocent qui paye de sa vie la satisfaction statistique des juges, c’est une victime de trop.

Cette réforme nécessaire n’est pas suffisante. Dans le temps où on introduit une minorité d’assesseurs citoyens en correctionnelle on diminue le nombre de jurés aux Assises. Quand on connaît la morgue de certains magistrats, on ne doute pas de leur capacité de subvertir l’opinion des jurés. Un jury populaire devrait pouvoir répondre aux questions en son âme et conscience à l’abri de toute pression et de toute autre présence. Quant aux magistrats qui représentent l’autorité judiciaire, il faudra bien pour qu’ils acquièrent la légitimité d’un pouvoir qu’ils en passent par la seule source de celle-ci, l’élection par le peuple.

Cette évolution nécessaire répond à une double préoccupation : rendre la justice plus conforme à l’idéal démocratique et à la rendre aussi plus efficace pour mettre fin à ce que l’Avocat général Philippe Bilger appelait « les innombrables dysfonctionnements d’une justice qui refuse obstinément d’apprendre la culture du résultat ».

Certes les arguments techniques et notamment financiers ne sont pas favorables à cette évolution mais je le disais tout à l’heure : le débat sous-jacent qui nous réunit aujourd’hui c’est celui qui oppose la démocratie à la technocratie. Il s’agit de choisir le camp de la démocratie en votant ce texte.

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7 commentaires

  1. ” Un jury populaire devrait pouvoir répondre aux questions en son âme et conscience à l’abri de toute pression et de toute autre présence. ”

    Tout le monde sait bien que les magistrats de cours d’assises posent aux jurés des questions volontairement contradictoires pour les persuader qu’un doute -profitant à l’accusé- subsiste.

  2. Bonjour Monsieur Vanneste
    Très heureux de lire la teneur de votre article à laquelle je suis sensibilisé depuis la lecture de Tocqueville.
    Croyez-vous que cette implication du peuple citoyen survienne un jour ?
    Décidément la nation française est vraiment sous emprise de puissants corporatismes et idéologies dans la plupart des domaines.
    Cordialement

  3. Avec les habitudes professionnelles dictatoriales qu’ont les deux tiers des magistrats “français” http://www.frontnational.com/?p=7092, on comprend le calendrier retenu par Michel Mercier qui veut d’abord appliquer cette réforme dans des juridictions où les juges réfractaires seront facilement indentifiables…

  4. monsieur;
    pouvez vous m aider pour sauver mon petit fils du calvaire qu’il vit et ma fille qui subit une aliénation parentale totale
    elle fait des études de Théologie à Florence
    site internet: www// pierre-enfant-martyr.org

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