Gribouille au syndicat de la magistrature ?

Intervention dans l’hémicycle de Christian Vanneste, ce mardi, sur le projet de loi visant à réduire le risque de récidive criminelle :

La récidive récidive une fois encore ! Nous allons à nouveau aborder cette question qui semble être la poursuite d’un horizon inaccessible, celui d’une société sans crime ni délit. Au lieu de critiquer le caractère nécessairement imparfait de la loi, je veux d’abord féliciter le Ministre et le rapporteur pour leur persévérance. Nous abordons en effet ce texte après un parcours entre des écueils, celui du Conseil constitutionnel qui nous oblige à corriger la version précédente, et celui de l’émotion qui emporte l’opinion publique à la suite d’évènements dramatiques, comme le meurtre d’une femme ou le viol d’un petit garçon, entre la volonté de protéger les victimes et celle de toujours laisser une possibilité de s’amender au coupable. La solution me paraît être de faire un choix clair dans cette alternative. Entre le coupable et la victime, celle d’hier ou celle de demain, c’est cette dernière qu’il faut choisir. Lorsqu’un juge décide une mesure de libération avant qu’une peine soit totalement effectuée, il fait un pari, un pari sur la réinsertion d’un condamné, mais qui est aussi un pari sur la sécurité, voire sur la vie d’une victime innocente. C’est ce pari qui est doublement inacceptable, d’abord parcequ’il privilégie le confort intellectuel à la sécurité des gens, ensuite parcequ’une victime, une seule, c’est une victime de trop. Les statistiques ne sont d’aucun poids devant la vie humaine. Le choix ne peut pas se faire au nom d’un discours vantant les libertés abstraites au détriment d’une victime très concrète.

C’est pourtant le discours du Syndicat de la magistrature qui sous le titre de « récidive criminelle, bienvenue dans le meilleur des mondes » publie un texte qui fait frémir lorsqu’on pense que ce sont des magistrats qui l’ont rédigé. Le mot « victime » n’est utilisé qu’une seule fois et uniquement pour dénoncer l’attitude du Gouvernement qui instrumentalise la souffrance des victimes au nom d’une idéologie de la méfiance, d’une philosophie obscurantiste, en s’inspirant de l’idéologie fasciste pour menacer nos principes démocratiques. Certes, ce qui est excessif est insignifiant, mais cet aveu mérite de montrer quelle idéologie s’est constamment opposée à la mise en place d’une véritable politique judiciaire équilibrée et efficace. Le texte que je viens de citer se trahit d’ailleurs dans une formule caricaturale et totalement fausse. « Peu importe, dit-il, que cette doctrine (celle du Gouvernement) ait déjà démontré son inefficacité en terme de lutte contre la délinquance qui ne cesse d’augmenter… malgré un dispositif répressif sans égal ». C’est Gribouille qui s’exprime, celui qui excuse toujours le délinquant, et le libère trop rapidement, qui parle d’inefficacité, alors que les chiffres se sont toujours améliorés à la suite des lois répressives que nous avons votées, alors que les moyens seulement ont fait défaut en raison du retard pris sous les Gouvernements de gauche, par exemple en matière de construction d’établissements pénitentiaires. Le fait que cette année encore le budget de la Justice soit l’un des seuls à progresser, comme il le fait depuis 2002, est un signe qui souligne à quel point le débat sur les moyens n’est pas essentiel puisque le temps doit le résoudre. C’est la raison pour laquelle je ne ferai qu’un reproche à Monsieur le rapporteur, celui de considérer que ce texte est technique. Mais il est vrai qu’il a employé le mot pour justifier les amendements par lesquels il a souhaité l’améliorer.

J’aurai pour ma part voulu un débat plus philosophique. Certains craignent que ce texte ne porte atteinte à des principes démocratiques. Sans doute, mais je ne pense pas que ce soit pour les raisons habituellement invoquées.

Durant les débats en Commission, notre collègue Serge Blisko, a ainsi établi une hiérarchie entre « surveiller » et « punir » en jugeant qu’il était préférable de surveiller d’abord et de punir ensuite. J’avoue ne pas comprendre. Et cela pour deux raisons.

D’abord, il me paraît nécessaire de rappeler que Foucault distinguait dans le fond deux types de société, celle ou l’on punit et souvent de manière excessive, et celle ou l’on surveille, ou l’on contrôle. Je crois qu’il n’y a avait pas de jugement de valeur entre les deux si ce n’est celui qui revient à soupçonner toute forme d’ordre d’être une atteinte à la liberté. Il est clair que la tendance actuelle, conforme à ce que pensait Foucault, est à punir le moins possible, et à surveiller sans cesse davantage. Ce projet de loi en est la démonstration.

En second lieu, ce qui me paraît contestable dans la philosophie du texte, mais encore une fois c’est une évolution générale, c’est précisément de renoncer sans cesse davantage à punir une liberté coupable pour préférer surveiller et contrôler une dangerosité objective. Pour le coup, je crois qu’une telle évolution n’est ni conforme à l’humanisme, ni conforme à la démocratie. Les deux réclament en effet que l’on considère l’Homme avant tout comme un sujet libre et responsable, non comme une chose dangereuse dont on contrôle les déplacements dans l’espace, ni comme une animal dont on doit limiter physiquement les pulsions. Le véritable humanisme ne doit pas reposer sur la douceur des peines, mais sur le respect que l’on doit au coupable en lui faisant subir la peine qu’il a méritée. La confusion constante entre la criminalité et les troubles de la personnalité ou du comportement me paraît de ce point de vue une régression. En particulier, pour les récidivistes qui témoignent assez souvent non d’une maladie mentale, mais de perversité, c’est-à-dire de la volonté de mal-faire et d’un total mépris de la personne d’autrui. Les exemples sont nombreux de criminels calculateurs, que le sentiment de l’impunité a conduit à multiplier leurs actes. Fourniret est dans tous les esprits. Ce sont les peines insuffisantes qui l’ont amené à être ce qu’il est. L’exemple historique le plus frappant à cet égard restera le Docteur Petiot, ce notable qui a utilisé ses connaissances dans un but criminel, et sans aucune pulsion. Chercherait-on aujourd’hui à le libérer une fois sa peine de sûreté accomplie ? On a libéré récemment l’assassin de 7 femmes âgées, le complice de Paulin.

Pour ma part, je voterai ce texte qui va dans le bon sens, celui d’une protection renforcée des victimes. Toutefois, une évolution plus humaniste et plus démocratique de la justice pénale face à la récidive devrait conduire à une plus grande automaticité des peines, comme c’est le cas aujourd’hui aux États-Unis, et à une responsabilité véritable des juges qui ont failli.

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