Interview de Christian Vanneste par l’A.P.Ré

Fred Guyonnet : M. Christian Vanneste, vous êtes député du Nord depuis 1993. Comment avez vous vécu la victoire de Daniel Duquenne à Hénin-Beaumont (Pas de Calais) ?

Christian Vanneste : J’ai surtout très mal vécu l’élimination au 1er tour de la liste UMP, avec un score ridicule. Il n’est pas interdit pour des élections locales de pratiquer une ouverture intelligente, comme cela était le cas à Calais ou à Béthune afin de battre les communistes. En revanche, se mettre en position de hors jeu par rapport à une compétition entre la Gauche et le Front National qui récupère à l’évidence des voix de droite, me paraît une erreur absolue. Je regrette que dans ce cas, on n’ait pas appliqué la stratégie de Nicolas SARKOZY au plan national, qui consiste à vider l’argumentaire du Front National de sa part compatible avec les valeurs républicaines, afin de représenter dans la logique d’un bipartisme que pour ma part je revendique, la candidature légitime de la Droite. Dans le cadre d’une triangulaire, cela peut être efficace.

FG : L’UMP-NC s’est investi contre un parti d’extrême droite en appelant au vote républicain. Pensez vous que  les socialistes auraient fait la même chose si un candidat d’extrême gauche (LO ou NPA) s’était retrouvé au second tour face à un candidat UMP ?

CV : Evidemment, non. La longue et ancienne complicité de la Gauche française avec l’idéologie marxiste est l’un des problèmes spécifiques de notre pays, alors que la plupart des partis socialistes dans le monde entier sont socio-démocrates depuis les années 60, et ont même parfois rejoints le libéralisme comme les travaillistes de Tony BLAIR en Grande Bretagne, le socialisme français a maintenu son ancrage marxiste et ses alliances avec les mouvements qui s’en revendiquent plus clairement que lui. Cette collusion a eu des effets catastrophiques : d’abord, elle a fait prendre à la France dans les années 80, des mesures à contresens. En second lieu, elle a induit des courants culturels encore prégnants, qui ont altéré la vision que les français pouvaient avoir de l’évolution du monde. En troisième lieu, elle a contribué à excuser, voire à justifier un certain nombre de comportements politiques ou de régimes totalitaires de gauche, comme Cuba. Cette situation fait que la Gauche s’allie sans complexe avec l’extrême gauche, et que pour ce motif, nous n’avons aucune raison de nous compromettre avec elle.

FG : On vous a beaucoup entendu sur la Loi Hadopi. Vous n’acceptez pas que l’internaute qui télécharge illégalement soit privé d’Internet. Expliquez nous pourquoi?

CV : Ayant été rapporteur de la DADVSI, qui a précédé la loi HADOPI sur le même sujet, je connais bien la question. Je crois notamment après avoir rencontré et lu Joël de ROSNAY, que cet acharnement législatif est malheureusement un combat d’arrière garde, destiné à permettre notamment aux sociétés de production phonographique, de survivre quelques années de plus. La loi HADOPI, votée du bout des doigts et déclarée inconstitutionnelle en partie, présente deux défauts majeurs : d’abord, elle est inefficace et injuste sur le plan technique, en raison de la difficulté d’identifier les adresses internet et les utilisateurs. En second lieu, elle porte atteinte à des principes auxquels je suis très attaché, comme la liberté d’expression et de communication, et le respect de la famille. Comment peut-on accepter de voir toute une famille pénalisée par la suspension d’un accès à internet qu’elle devra cependant continuer de payer, alors que seul un de ses membres peut-être, aura téléchargé, de manière illégale. L’accès à internet est une révolution dans le domaine de la communication, comme l’avait vu MAC LUHAN à propos du passage du livre aux mass médias, nous vivons une nouvelle transformation essentielle, qui présente d’ailleurs de très nombreux aspects positifs. L’interactivité, c’est le moyen évident de la participation, c’est la raison pour laquelle l’accès à internet peut et doit devenir un droit fondamental dont l’accès devrait être garanti. La multiplication des sites légaux de téléchargement, payants ou même gratuits, financés par exemple par la publicité, qui connaît une expansion sans précédent sur internet, montre que la loi HADOPI appartient au domaine des lois inutiles. La loi est faite pour durer. Lorsqu’elle cherche à geler un domaine par définition mouvant, elle se heurte à l’impossible.

FG : Le président de l’A.P.Ré., Jean Louis Chavoillon a écrit récemment un article sur la burqa. Il considère que nous devons revenir à nos valeurs laïques et que si nos lois actuelles étaient appliquées, une loi anti-burqa ne serait pas nécessaire. Il est vrai qu’avec la burqa, les islamistes radicaux arrivent à faire passer le voile comme une simple tenue vestimentaire. Pour vous quelle serait la solution ?

CV : Je n’ai pas voté la loi sur le voile à l’école, dans la mesure où j’avais proposé pour ma part une généralisation de l’uniforme, comme cela se fait dans de très nombreux pays. Le fait d’interdire un voile pudique et souvent très élégant, alors qu’on tolère toutes sortes d’extravagance comme les tatouages, les piercings, ou les tenues provocantes, m’est apparu comme une mesure discriminatoire à l’encontre d’une religion particulière, l’Islam. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut partir d’un principe qui ne fait aucune allusion à l’appartenance religieuse, et aux valeurs que celle-ci induit. La Burqa, qui est une provocation identitaire et pathologique à l’encontre de notre société, doit évidemment être interdite, mais pour des raisons purement objectives, liées aux exigences de la sécurité. De nombreux systèmes de vidéosurveillance sont installés dans notre pays, il est évidemment logique que l’on interdise des vêtements qui puissent permettre à certains  d’échapper à leur contrôle. La démocratie est un système dans lequel les citoyens ont le droit et le devoir d’être à visage découvert.

FG : Vous auriez dit de Mickael Jackson : « il meurt en bon musulman et rejoint les mythes d’un rêve américain de plus en plus déshumanisé ». Pourriez vous préciser votre pensée sur le rêve américain ?

CV : Je n’ai pas dit de Mickael JAKSON, « il meurt en bon musulman ». C’est un commentaire sur mon blog qui a émis ce point de vue. J’en ignore l’origine. Il faut éviter toute conception réductionniste des Etats-Unis. Il s’agit d’une grande fédération de cinquante états, dont la diversité est inépuisable. J’ai eu l’occasion récemment d’effectuer un voyage aux Etats-Unis. Dans le contexte actuel, celui-ci m’a permis de percevoir le bon côté du rêve américain, c’est-à-dire cette capacité de rebond fondée sur un optimisme dont nous devrions parfois nous inspirer. Le contraste entre le Président de l’Université d’Etat de l’Arizona, fixant pour objectif de diminuer le chômage, en accentuant la recherche-développement dans les domaines de l’environnement et de la santé, et celui de la Sorbonne, partant en voyage en Chine, en laissant son université en grève, est très révélateur.

En revanche, le rêve américain peut devenir un cauchemar, lorsqu’il sombre dans la démesure, dans les excès en tous genres. De ce point de vue, le régime alimentaire est le meilleur exemple : le régime crétois est infiniment supérieur à celui des fast-foods.

FG : Toulouse comme beaucoup d’autres villes françaises, est le théâtre d’agressions anti-blancs qui sont de plus en plus violentes. Il ne faut ni compter sur SOS Racisme ni sur la LICRA pour prendre en charge ce type de racisme. Comment analysez-vous cette situation ?

CV : Le thème du racisme est une arme idéologique à double tranchant pour la démocratie. D’une part, elle permet de combattre les théories inégalitaires, comme le nazisme. Mais l’abus du terme a aussi permis une subversion de la démocratie. A force de vouloir pratiquer une surprotection des minorités, une discrimination positive, on a fini par oublier que la démocratie c’était aussi, le pouvoir légitime de la majorité dans le respect des minorités, et non pas le pouvoir de celles-ci au détriment de la majorité. C’est pourtant l’évolution actuelle, qui conduit à penser qu’être blanc, catholique, hétéro…devient un lourd handicap pour être défendu. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut éviter toutes les mesures qui reposent sur la protection de groupes particuliers. La liberté et l’égalité demeurent des principes essentiels, qui valent pour tous les citoyens. Dans notre système actuel, il y a des citoyens « plus égaux que les autres », comme disait ORWELL, et des associations orientées idéologiquement, qui font profession de les soutenir. C’est une dérive qu’il faut combattre.

FG : L’A.P.Ré. est comme vous le savez le relais de la Société Civile vers le monde politique. Pensez vous que les politiques prennent suffisamment en compte les remarques et suggestions de la Société Civile ?

CV : Je pense que la distinction entre le monde politique et la société civile n’est pas essentielle en démocratie. Je n’aime pas que l’on considère l’activité politique comme une profession, on devrait même exiger que les politiques aient pratiqué un véritable métier avant d’être élus. C’est dire que je souhaite pour ma part que la société civile, les familles, les associations, les entreprises, soient en relation constante avec les élus. Ces derniers en retirent leurs informations. Leurs projets doivent être fondés sur la synthèse des demandes de la société civile et de l’exigence du bien commun à laquelle tout homme politique doit avant tout se soumettre.

FG : M. Vanneste, quels sont vos grands rendez vous de la rentrée (lois, projets, implications…etc) ?

CV : Trois grandes préoccupations. En tant que membre de la commission des lois, je vais m’impliquer sur le thème de la sécurité, à travers la loi pénitentiaire d’une part, et d’autre part en essayant de mettre en œuvre mes propositions sur le travail d’intérêt général, ou le harcèlement social, c’est-à-dire la version française du brooken window de l’ancien maire de New York, Rudolph GULIANI. En second lieu, en tant que Président du groupe d’études textile et industries de main d’œuvre, je vais être particulièrement attentif à la défense de notre industrie, et aux mesures fiscales qui pourraient y concourir. Enfin, comme vous le savez, je suis très attaché à certaines valeurs sur le plan sociétal, je pense à la famille en particulier, et j’aurai sans doute l’occasion de m’attacher à les défendre à travers les textes qui se présenteront. Je vous rappelle que je préside l’association Famille et Liberté.

FG : Si vous aviez un message à faire passer à nos adhérents et sympathisants de la Société Civile qui vivent la crise et se font du souci pour le futur, que leur diriez vous ?

CV : Mon engagement dans le gaullisme repose sur une adhésion à l’idée essentielle sur laquelle il se fonde : le refus du renoncement. A la fin des Mémoires de Guerre, le Général écrivait qu’il fallait « toujours guetter dans l’ombre la lueur de l’espérance ». Dans le contexte actuel, de la crise financière et économique, il faut évidemment redoubler d’efforts, mais d’une manière plus générale, il faut répondre au défi essentiel de notre temps, qui est la marginalisation, quoi qu’on en dise, de la Vielle Europe. Pour répondre à ce défi, il faut plus que jamais accentuer la recherche et l’innovation. Toulouse est à cet égard un très bon exemple de ce que peut faire la France (j’y ai visité récemment le CNES). En revanche, il faut aujourd’hui plus qu’hier être attaché aux valeurs qui consolident notre société. Cette double exigence, qui paraît paradoxale à certains de progrès et de conservatisme, est la clé de notre succès. Ce doit être aussi le socle idéologique de l’UMP, ce que certains, y compris au sein de cette formation, ne semblent pas avoir clairement à l’esprit.

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Un commentaire

  1. Superbe. Merci pour ce joli entretien franc et constructif. Tout à fait d’accord avec monsieur Vanneste sur l’extreme gauche en France et sur la loi Hadopi.

    Pierre

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