Christian Vanneste interroge Michèle Alliot-Marie sur la Sécurité

Le 12 juin dernier, la Commission des Lois, dont je suis membre, et la Commission des Finances accueillaient au sein d’une commission élargie Madame ALLIOT-MARIE, Ministre de l’Intérieur. Cette commission élargie a porté, pour la première fois, sur la réalisation, en 2007, des objectifs assignés à la politique de sécurité. Ce débat avait donc un caractère quelque peu expérimental.

La conférence des présidents a en effet souhaité porter une plus grande attention à l’exécution des différentes missions budgétaires et consacrer plus de temps au contrôle et à l’évaluation : le projet de loi de règlement est une bonne occasion de le faire.

La procédure de la commission élargie a pour objet de favoriser un débat dynamique entre les ministres et les parlementaires grâce à des questions toniques et des réponses directes et précises.

J’ai donc pu interroger le Ministre, assez longuement, comme vous pourrez vous en rendre compte, sur les effectifs (en faisant un lien avec ma circonscription), la vidéosurveillance, la coordination des moyens de police et de gendarmerie, sur l’une des bases de la délinquance urbaine, la toxicomanie, et enfin sur la cybercriminalité.

M. Christian Vanneste. Vous me permettrez de prendre le problème par le petit bout de la lorgnette, c’est-à-dire en me fondant sur l’expérience que le parlementaire a de sa circonscription.

Je me rappelle avoir voté, en 2002, dans le cadre de la première LOPSI, la création de 6 500 nouveaux policiers et de 7 000 nouveaux gendarmes, soit la création de 13 500 postes, ce qui fait d’ailleurs plus que les 12 000 évoqués par M. Geoffroy : 1 500 postes ont disparus, ce qui explique peut-être que pas un seul n’ait été créé dans la circonscription de police qui correspond à ma circonscription électorale. Nous avons même perdu des policiers – sans même parler des agents de sécurité. Si je fais l’addition de tous les postes perdus, j’arrive à quatre-vingt, ce qui est considérable sur un effectif de 400. On comprend ainsi que le journal Le Figaro ait pu attribuer dans son classement, peut-être discutable, une place épouvantable à ma circonscription. Certes, j’ai lu que la mise en application des 35 heures au 1er janvier 2003 avait supprimé 10 % des horaires, mais non des effectifs ! Où sont donc passés les postes que nous avons créés en 2002 ? Tous, en Seine-Saint-Denis ? J’ai un doute. Pourrais-je avoir des explications ?

Vous avez également évoqué la vidéosurveillance, en insistant sur le fait que nous sommes et demeurerons en retard en la matière. Encore faut-il connaître l’importance de ce retard. En Grande-Bretagne, les caméras se comptent par millions – elles sont 4 millions –, en France par dizaines de milliers. Le retard est donc gigantesque ! Le rattrapage mis enœuvre n’est-il donc pas totalement insuffisant ? Ne faudrait-il pas un plan exceptionnel d’urgence afin de l’accélérer ?

Certaines synergies existent déjà entre des collectivités territoriales, notamment dans les Alpes-Maritimes ou le Var où, systématiquement, l’équipement d’une ville est subventionné à hauteur de 50 % par le département, ce qui me paraît une excellente chose. L’État devrait également intervenir de cette façon, en incitant à la création de réseaux de vidéosurveillance, d’autant qu’il y a toujours un avantage à rattraper son retard dans un domaine technique, car l’on profite alors de nouveaux appareils beaucoup plus performants que les anciens.

Abordant encore par le petit bout de la lorgnette la question des matériels, je me rappelle avoir évoqué avec beaucoup de tristesse, me trouvant dans le bureau de l’un de vos prédécesseurs, les voitures de la BAC – Brigade anticriminalité – qui témoignent des moyens que les policiers qui sont le plus sur le terrain ont à leur disposition pour lutter contre les gangsters. Or, disais-je au ministre, chez moi, la BAC dispose de deux Mondeo – aujourd’hui de deux Laguna – qui ont entre 140 000 et 160 000 kilomètres et qui doivent concurrencer des Audi, des BMW ou des Mercedes. L’idée, à l’époque, était de saisir les voitures des gros délinquants et de les remettre à la police pour résoudre ses problèmes de véhicules. Je n’ai jamais vu la moindre réalisation de cette idée originale.

En ce qui concerne la coordination des moyens de la police et de la gendarmerie, les difficultés de transmission entre l’une et l’autre en raison de l’utilisation de réseaux de communication différents et codés différemment me semblent se régler. On sait cependant que l’une des défaillances de la chaîne judiciaire observées dans l’affaire Fourniret tenait à l’absence de connexion entre le STIX et le JUDEX. Où en est aujourd’hui la synergie technique entre la police et la gendarmerie ?

Je souhaite également aborder des questions relatives aux différents domaines de la délinquance. J’observe en effet, sans vouloir faire de l’humour déplacé, que l’une des formes de délinquance qui progresse le plus – vous l’avez évoquée à propos des compagnies de sécurisation qui sont une excellente idée – s’exerce non plus dans les halls d’immeubles, la loi pour la sécurité intérieure ayant eu pour objectif d’y interdire les rassemblements, mais dans des « halls d’immeuble à ciel ouvert » – parkings, entrée de garages, pied des immeubles. Il s’agit toujours de réunions qui, de vespérales, deviennent nocturnes et sont généralement très arrosées – ce qui rejoint ce que vous disiez sur l’alcool –, perturbent le voisinage et finissent par des agressions et – forme de délinquance qui s’est développée ces dernières années et sur laquelle je souhaiterais que vous donniez des précisions – l’incendie de véhicules. Lorsque des voisins se plaignent du bruit, la répression ne vient pas de la police vis-à-vis des délinquants, mais des délinquants vis-à-vis des citoyens avec l’incendie des voitures de ces derniers.

De plus, ces rassemblements sont souvent liés à un phénomène qui, auparavant, était considéré comme à la base de la délinquance urbaine : la toxicomanie. On l’évoque assez peu parce qu’il s’agit d’une forme de délinquance grise : lorsqu’un individu fume ou deale, on ne va pas au commissariat pour porter plainte contre lui. Or, dans la circonscription où je suis élu, la toxicomanie, loin d’avoir diminué, a progressé de façon prodigieuse. Il y en a partout, notamment à l’entrée des collèges !

Vous avez évoqué à juste titre le développement de la cybercriminalité, qui prendra une ampleur considérable. Monsieur le président de la commission des lois, il faudra que nous réfléchissions au rapport entre protection de l’ordre public et exercice des libertés dans le domaine privé. L’ordinateur, en effet, a ceci de particulier qu’il apporte le monde entier chez vous : dès lors, où commence le domaine public et où finit le domaine privé ? Cette question se pose dans des domaines aussi graves que celui de la pédophilie, que combat Mme le ministre, ou celui du piratage desœuvres, auquel je m’intéresse particulièrement.

Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Vous m’avez demandé où étaient passés les policiers. Ils sont passés là où étaient les plus forts déficits ou la plus forte délinquance, ce qui a abouti aux résultats que je vous ai donnés. Cela ne signifie pas que l’on ait réglé tous les problèmes : les chiffres de votre région ne sont effectivement pas bons, mais n’assiste-t-on pas à une levée de bouclier de la part des élus chaque fois qu’on veut leur retirer des effectifs de policiers ou de gendarmes, même si la présence de ces derniers n’est plus nécessaire, compte tenu des résultats obtenus ? Nous comptons bien, cependant, prendre en compte les besoins.

Le problème ne se pose pas seulement en termes d’effectifs. Les résultats en matière de lutte contre la délinquance tiennent évidemment pour beaucoup aux hommes et aux femmes policiers et gendarmes, mais pas exclusivement : les nouveaux moyens techniques jouent un rôle décisif – tel sera le sens de la LOPPSI 2 que je vous présenterai.

Du reste, en ce qui concerne la vidéosurveillance, s’il est vrai que nous avons pris un grand retard par rapport à certains pays, notamment la Grande-Bretagne, la qualité est un facteur tout aussi décisif que le nombre. Notre retard peut dès lors tourner à notre avantage, car les caméras actuelles sont d’une grande précision et permettent d’obtenir de bien meilleurs résultats que les anciennes – je pense notamment à l’assassinat, l’été dernier, d’une journaliste italienne, dont l’enregistrement sur une caméra de la RATP n’a pu être exploité car l’image n’était pas suffisamment précise. Il vaut mieux avoir moins de caméras mais d’excellente qualité.

Quant à la mise en œuvre de notre politique de triplement de caméras sur la voie publique, elle représente un effort important, qui n’interdit évidemment pas aux collectivités territoriales d’intervenir également. J’ai déjà eu l’occasion de l’annoncer : j’ai prévu, grâce à un fonds d’intervention, d’aider les collectivités en assurant notamment, dans un grand nombre de cas, la gratuité du raccordement du centre d’images municipal au commissariat ou à la gendarmerie. Il s’agit là d’une véritable incitation.

S’agissant du problème du matériel, notamment des véhicules, un gros effort a déjà été fourni. J’ajouterai que le principe de l’attribution aux forces de l’ordre des véhicules de certains délinquants existe bien. Nous sommes toutefois obligés d’attendre le jugement qui condamne les délinquants pour récupérer le véhicule. Or le jugement ayant lieu le plus souvent plusieurs années après l’immobilisation à la fourrière, il arrive fort rarement que de tels véhicules soient attribués, d’autant qu’il n’est pas certain qu’ils soient encore en état de fonctionnement.

J’avais constaté le manque de coordination des moyens de la police et de la gendarmerie en prenant en charge le ministère de la défense. Depuis, beaucoup a été fait, notamment dans l’accès aux fichiers. Aujourd’hui, nous cherchons à assurer, si possible à moindres frais, l’opérabilité entre les centres opérationnels et les acteurs sur le terrain, et à accélérer le développement des valises multiréseaux. Sur l’année 2008, la gendarmerie met en place une valise par département, indépendamment des réseaux Acropol et Antarès, qui sont devenus interopérables.

En ce qui concerne les actes de délinquance en zone urbaine que vous avez évoqués, le nombre des incendies de véhicules, notamment, est en baisse sensible, avec 6 000 véhicules incendiés en moins en mai 2008 par rapport à mai 2007 – cette baisse connaît même une certaine accélération. Je ne vous garantis pas que le phénomène se poursuivra. Toutefois, la diminution est sensible, y compris pour le réveillon du Nouvel An.

Il convient également d’obtenir plus de précisions sur les causes réelles de ces incendies : j’ai demandé à l’OND de réaliser une étude en vue de distinguer ce qui relève des fraudes aux assurances, de la propagation et des manifestations urbaines.

La drogue est ma priorité numéro un. J’ai réuni tous les préfets et les patrons de GIR pour leur demander de mettre à nouveau de façon prioritaire l’accent sur la lutte contre le trafic de drogue. Au cours des cinq premiers mois de l’année, nous avons triplé les prises par rapport à la même période de l’année dernière. La lutte contre tous les trafics, de proximité ou non, est donc menée.

Nous avons monté quelques opérations importantes dans certains quartiers sensibles à la suite de différents événements, ce qui nous a permis de perturber les réseaux d’économie souterraine liés à la drogue. J’ai bien l’intention de continuer. La drogue est en effet, à la fois un problème de santé publique qui concerne notamment la jeunesse, et un problème de société en raison de l’existence d’un commerce souterrain qui déstabilise les familles et toute la vie sociale. Un gamin qui rapporte, parce qu’il deale, cinq ou six fois plus d’argent à la maison que son père qui travaille, anéantit toute l’autorité familiale. Or l’absence de celle-ci entraîne la destruction de la cellule familiale et, de là, de la vie du quartier dans son ensemble.

Cette action est menée non seulement sur le territoire métropolitain, mais également aux Antilles où j’ai créé deux GIR, en Martinique et en Guadeloupe, où ce type de phénomène est lié aux réseaux secondaires de drogue en provenance d’Amérique latine : si les réseaux principaux ciblent l’Amérique du Nord ou l’Europe, un second réseau touche désormais l’arc antillais.

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Un commentaire

  1. bravo christian pour votre intervention aupres de la ministre, c’est vrai qu’il faut que ça cesse ils sont par tribu meme de nuit a l’entree du metro ils font un bruit epouventable et on ne peut meme pas les regarder car ils sont menacant.
    vous vouliez mettre des cameras on serait en securite:malheureusement les tourquennois n’ont rien compris!mais il faudra bien trouver une solution car enormemment de personnes commencent à se plaindre
    mes amities cher christian
    therese legley

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