France : Marche ou Grève !

lafrancedeprimeLes jours s’en vont et la France demeure… L’ennui c’est que la France a la fâcheuse habitude de garder ses mauvaises habitudes et de gaspiller ses atouts. Ce 3 Avril peut ainsi être salué comme une sorte de célébration de notre identité malheureuse, une manière de fête nationale à l’envers. Notre pays a connu des grands moments et des désastres. Ce matin, un syndicaliste de la SNCF se réjouissait que le mouvement de grève lancé par les cheminots coïncide avec l’anniversaire de 1968. Un autre rappelait la victoire syndicale de 1995. Il y a des pays où l’on fait des réformes salutaires. En France, on commémore avec fierté des révolutions, même celles qui n’en étaient que des simulacres pour jeunes bourgeois qui s’ennuyaient opportunément récupérés par des syndicats moins soucieux de l’état du pays que de leurs résultats aux élections professionnels.

La France est le pays de Descartes, de la pensée rationnelle, de la méthode, des jardins à la française, de la beauté classique de Versailles aux Invalides, de la perfection dans les produits de luxe et du savoir-vivre, et d’une langue qui fut celle de toute l’aristocratie européenne. Mais les Français, ou beaucoup d’entre-eux s’acharnent à offrir d’elle l’image inverse. Il y a dans notre pays une espèce de jouissance du chaos, et d’autant plus forte que le désordre ne repose que sur lui-même, sans la moindre cause objective, comme le besoin périodique de Saturnales, ces fêtes où l’on inversait les rangs et les valeurs. On compte ce matin les trains qui ne circulent pas, les travailleurs qui ne travaillent pas, les voitures qui ne roulent plus dans les bouchons qui doublent d’heure en heure. On attend avec gourmandise combien d’universités vont être bloquées, et on sait déjà que tous les avions d’Air France ne décolleront pas.

Le pays de Descartes est devenu celui d’Orwell, en moins lugubre. Il faut toujours y entendre les mots en sachant qu’ils signifient leur contraire. Ainsi, la grève sinueuse des cheminots qui va serpenter pendant trois mois peut-être dans la vie des Français, en contournant le prétendu service minimum, a, avant tout, pour but de créer un niveau de gêne maximum. Elle se fait dans le service public et pour le service public, mais résolument contre le public, celui qui a besoin ou envie de se déplacer, celui qui a payé et n’a pas le service, et celui qui paye le déficit d’une société nationale, qui est mal gérée et fonctionne mal. Pourquoi cette grève a-t-elle lieu ? D’abord, pour maintenir un statut, c’est-à-dire une protection, qui est en France, le pays des droits de l’homme et de Sainte Egalité, un privilège sans compensation. Certains employés de la SNCF ont des horaires de travail qui perturbent leur vie personnelle et familiale. C’est le cas aussi pour de nombreux salariés du privé. Et ils n’ont pas de statut ! La compensation logique du statut, c’est-à-dire la garantie de l’emploi à vie devrait être l’interdiction de la grève, parce que, justement, si service public, il y a, c’est une exigence nationale qu’il soit assuré ! Quant aux conditions plus que favorables de la retraite des cheminots, elle ne repose sur aucune justification de pénibilité. Bien au contraire ! Alors, on en arrive à cette aberration que la grève dans le service public est la plus facile à déclencher et la plus douloureuse pour les Français. On a même pu parler de grève par procuration : ceux qui ne devraient pas faire grève parce que ce faisant ils pénalisent le pays tout entier pour sauvegarder des avantages catégoriels, font grève pour ceux qui n’ont ni les moyens, ni la possibilité de le faire. La part des Français qui soutiennent le mouvement est légèrement minoritaire, 46%, mais c’est déjà beaucoup quand on sait que la “réforme” gouvernementale est, elle aussi, un mot trompeur, puisqu’elle ne change rien au statut actuel des cheminots.

Mais, ce mensonge de part et d’autre, nous indique où est tombé, une fois de plus, le niveau politique du pays, celui d’un poker menteur. L’enjeu n’est évidemment pas l’intérêt général, le Bien commun de la France, dont tout le monde se fout, sauf les Arnaud Beltrame, qui ne font pas grève et suscitent de si beaux discours. C’est de savoir si Macron sera l’homme des réformes que la droite a été incapable de réaliser, ou si son échec permettra de retrouver une situation politique plus conforme à la réalité du pays. Le Président, élu par surprise, est un acteur de talent, qui n’a pas franchi les étapes du parcours qui donne à un homme politique sa véritable légitimité. La victoire contre le mouvement actuel, fût-ce au prix d’un référendum, comme le voulait Fillon, lui donnerait cette épaisseur qui lui manque. La France se trouverait ainsi engagée dans le mouvement d’effacement progressif dans l’Europe technocratique et le mondialisme des affaires qui sont l’horizon d’Emmanuel Macron. Fameux dilemme pour un pays de se trouver ainsi coincé entre Charybde et Scylla, entre En Marche et Grève !

 

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6 commentaires

  1. Moi ce qui me dérange, plus que cette grève du service public , c’est l’attitude du gouvernement français, devenu caniche et bon soldat de la commission européenne, qui obéit à son maître docilement… L’UE décide pour la France et tous les membres de l’UE: la sainte concurrence qu’on sait par ailleurs déloyale et probablement étrangère est sa bible. La perte de notre souveraineté qui s’accélère est autrement plus inquiétante que la réponse légitime des cheminots aux décisions de nos dirigeants qui font passer l’intérêt général dans la défense du service public ferroviaire avant les profits d’intérêts privés .

  2. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas remplacer la SNCF (Société Nationale des Chemins de Fer Français) par la SICE (Société Internationale des Chemins de Fer Européens) ?

  3. La conjoncture économique mondiale est plutôt bonne. Celle de la France traîne un peu derrière les autres. Profitons-en pour faire grève afin qu’elle se détache vraiment du peloton.
    Comprendra qui pourra.

  4. Je ne suis pas d’accord avec cette réforme de la SNCF
    En effet :

    – les Français de la province sont concernés par l’avenir des petites lignes. Les laisser à la seule charge des régions est un cadeau empoisonné quand l’Etat réduit leurs crédits.
    Pour exemple, mon dernier était à l’ICAM à Toulouse, j’habite Pau. Au moment des inondations de Lourdes, la ligne Toulouse Bayonne a été fermée plusieurs semaines. Il a pris un car de remplacement. Résultat, un trajet de 4 à 5 heures au lieu de 2 heures pour faire Toulouse Pau (185 km) car le car n’a pas pris l’autoroute pour pouvoir desservir des arrêts du train. Je peux vous dire que le train Toulouse Bayonne est plein les vendredis soir et les dimanches soirs par des étudiants.
    Même expérience lorsque la ligne Paris Troyes a été fermée pour travaux, j’ai dû prendre un car pour rallier Troyes.
    Les trains Dax Bordeaux sont pleins les matins et les soirs de gens qui vont au travail, il y a même un wagon qui permet d’y mettre son vélo pour pouvoir circuler à vélo dans Bordeaux.
    Si la SNCF perd les bénéfices qu’elle fait sur les lignes TGV en les partageant avec la concurrence, ce sera ça de moins pour faire marcher les petites lignes. Car la concurrence n’investira que sur les trajets rentables, les lignes TGV.

    – à terme les cheminots seront remplacés par des travailleurs détachés comme on peut le voir avec les chauffeurs de camions dont les cotisations sociales sont inférieures à celles des Français.

    – et le fret quelle politique? quand on se veut écolo comme Macron, est il normal que les camions remplacent les trains? NON

    Ce n’est pas parce que la SNCF doit être mieux organisée, plus adaptée aux besoins des Français, que le statut doit être toiletté et adapté au monde moderne, qu’il faut “jeter le bébé avec l’eau du bain”!

    La SNCF est un facteur essentiel d’aménagement du territoire. La preuve en est quand on voit la pagaille créée par les grèves de la SNCF!!!

    Mais nos réformateurs sont des hauts technocrates enfermés dans des bureaux parisiens qui ne sont pas allés sur le terrain pour imaginer leur réforme!!!
    J’ai été ingénieur chez Michelin, durant la période d’essai de tous ses ingénieurs, Michelin leur donnait à résoudre des problèmes qui n’avaient rien à voir avec leur formation. C’était pour voir leurs capacités d’adaptation, leur honnêteté intellectuelle et leur façon de résoudre les problèmes en allant au fait. Les technocrates de Bercy et autres comme l’IFRAP ne vont pas au fait, ils font comme les banquiers, ils font les réformes en se basant uniquement sur des rapports financiers, peu leur importe la réalité des faits, des gens!

    Cette réforme est juste une question d’argent, juste une question d’obéissance à Bruxelles et à la finance internationale!

    Quand on songe aux salaires des technocrates de Bercy, des technocrates de Bruxelles qui, en plus, ne paient aucun impôt comme tout fonctionnaire international, le ménage doit être fait en priorité chez ces gens et non chez les classes moyennes.

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