La politique de la main tendue…

main-tendueLa dignité et le sérieux des pays dépendent en grande partie de la qualité des hommes et des femmes politiques qui les représentent aux yeux du monde. Les démocraties qui offrent une image respectable connaissent régulièrement des alternances claires, à l’anglo-saxonne, ou pratiquent des coalitions plus discutables, mais qui reçoivent l’assentiment de la majorité de la population. Si on néglige les Etats-Unis, l’Australie, et d’autres anciennes colonies anglaises, le Royaume-Uni demeure un modèle. Deux partis bien différenciés par leurs projets se succèdent au pouvoir. Le 3e, le parti libéral, qui était le 1er au début du siècle dernier, a laissé la place aux travaillistes et n’est plus qu’un appoint éventuel pour une majorité plus difficile à former. Les conservateurs ont dirigé le gouvernement britannique pendant 139 ans ! En Allemagne, à l’histoire plus tourmentée, ce sont aussi les conservateurs de la CDU-CSU qui ont occupé le plus longtemps le pouvoir depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le basculement régulier de la majorité permet d’équilibrer la stabilité du pays avec la possibilité des innovations et évite l’immobilisme des démocraties asiatiques souvent dominées par un parti constamment majoritaire. Les pays du sud de l’Europe ont tendu vers ce modèle, soit après la dictature en Espagne, soit après la confusion électorale italienne. La Ve République avait instauré ce système en France, et conduit à des alternances significatives. L’évidente baisse de niveau intellectuel et moral du personnel politique de notre pays était néfaste et déplaisante, mais ne portait pas atteinte aux institutions qui sauvegardaient la vitrine de la France. La situation actuelle vient de fissurer celle-ci. Elle risque bien d’exploser, et certains Français ne semblent pas percevoir le phénomène.

Le président élu ne possède pas une véritable légitimité. Il faisait partie de l’équipe qui a si mal dirigé le pays que son prédécesseur était impopulaire au point de ne plus pouvoir se présenter. Macron a donc été lancé avec le succès que l’on sait sur le canot de sauvetage de la gauche, ou plutôt de cette gauche “libérale-libertaire” qui sévit dans le microcosme où se côtoient journalistes et hommes d’argent et d’influence, si représentatif du pourrissement parisien. Le décalage entre les discours incohérents et inspirés du nouvel élu, pleins d’une fougue et d’un enthousiasme juvéniles, et la réalité d’un homme qui a grandi dans l’ombre des pouvoirs, ceux de la politique et ceux de la finance, révèle un grand talent de comédien et font deviner le cynisme froid d’un ambitieux, qui avait, comme par hasard, mené son mémoire de maîtrise à l’université de Nanterre sur Machiavel. Ce point éclaire l’histoire récente. L’entreprise de séduction actuelle est sans doute l’une des plus grandes supercheries de notre histoire. Un homme dont l’activité professionnelle, courte et rémunératrice, a consisté à faciliter des acquisitions ou fusions d’entreprises, essentiellement au service d’une grande banque d’affaires, n’est pas nécessairement une personne vouée au bien commun ni dévouée à la grandeur du pays. Parrainé dans son ascension par Jouyet, Attali et le Minc de la “mondialisation heureuse”, il veut changer la France en gommant son identité, quand il fallait renforcer l’économie du pays pour sauvegarder son indépendance. Cette question ne le préoccupe guère. Ni la domination écrasante de l’Allemagne en Europe, ni l’immigration, ni le danger de l’islamisme ne le touchent. Il faut, selon lui,  que les jeunes Français songent tous à devenir milliardaires. Une telle méconnaissance des questions politiques et culturelles au profit d’un économisme, étroit et inadapté au pays, a été favorisée par le débat de l’élection présidentielle qui a été centré sur l’économie. On voit mal comment le drame du chômage, que la France n’avait jamais subi à un tel niveau, malgré le matelas protecteur des emplois publics, pourrait trouver son issue dans la réalisation d’un programme dont le candidat disait lui-même qu’il n’était pas nécessaire. Le seul élément indispensable, à ses yeux, n’est autre qu’Emmanuel Macron, E.M., comme En Marche ! Un tel narcissisme devrait inquiéter. La collection d’ambitieux égocentriques qui vient de le rejoindre ne rassure guère. Plusieurs d’entre eux sont prêts à toutes les dissimulations, à tous les revirements, à toutes les trahisons. Macron disait pour se justifier que la politique n’était plus la course aux honneurs où l’on doit faire ses preuves à un niveau inférieur pour être élu plus haut. Serait-elle donc le mât de Cocagne où le plus fort grimpe immédiatement au sommet, ou l’échelle de perroquet dont on gravit rapidement les échelons sans rien faire tout en parlant beaucoup pour ne rien dire ?  Dans les deux cas, le peuple est spectateur et non acteur. La démocratie est entre parenthèses. Fillon a été éliminé du second tour par une machination mêlant l’Elysée, la presse et le parquet au mépris du droit. Face à Marine Le Pen, l’élection était gagnée d’avance. 43 % des inscrits, moins d’un électeur sur deux, ont voté Macron. Nombre de ceux-ci ne l’ont pas choisi mais ont voté contre son adversaire parce qu’il étaient privés de leur véritable choix. C’est ce qui explique l’importance de l’abstention, des bulletins blancs et nuls. Il y a eu quelque chose de pourri dans ce scrutin, que le concert des médias en faveur de l’élu, cherche à nous faire oublier.

Il est donc logique et légitime que l’alternance reprenne ses droits et que l’opposition d’hier, que la droite soit majoritaire pour conduire une politique de réduction de la dépense publique, de dynamisation de l’économie, de limitation de l’immigration, de restauration de l’enseignement, de renforcement de la sécurité, d’affirmation de l’indépendance et de l’identité. Le brouillard mystificateur, qui mélange une prétendue logique présidentielle à une confusion des lignes, veut faire croire à un renouveau fondé sur une union politique. Celle-ci n’existe pas. La main tendue est un piège dans la logique du personnage. Le premier ministre qui est la caution de la manoeuvre a simplement rejoint son camp idéologique. Socialiste à Sciences po, il avait opté pour la “droite” à la sortie de l’Ena, et à l’entrée dans un cabinet. Les autres piaffent d’une ambition dévorante. Ils avaient lâché Fillon dans la tempête, et prétendent accepter la main tendue pour le pays et dans l’intérêt général. En fait, ce sont eux qui tendent la main pour recevoir leur bakchich ministériel. Ils n’ont aucune légitimité pour le faire. Leurs calculs personnels traitent avec mépris les adhérents et les sympathisants du parti qui a soutenu leur carrière. En rompant aussi cyniquement l’engagement moral de la primaire, les transfuges montrent combien ils ont peu le respect du peuple et de la démocratie.

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7 commentaires

  1. A quoi cela servirait-il de faire de la politique s’il n’y a pas un espoir de s’en mettre tôt où tard plein les poches ?
    Des scrupules ? Ce mot semble appartenir au passé.

    J’adore assister à la sortie des conseils de ministres, qu’importe les gouvernements ou la situation du pays, c’est le seul endroit où l’on verra toujours les gens sourire…Et pour cause !

    1. D’accord ; mais on ne voit pas les gens “sourirent”, cette forme verbale n’est pas la bonne… sourire, plutôt. La langue française a bien besoin d’enseignants qui rappellent les conjugaisons… et pas mal d’autres choses.

  2. ” Fillon a été éliminé du second tour par une machination mêlant l’Elysée, la presse et le parquet au mépris du droit. ”

    Mis en examen, Fillon ne pouvait plus être candidat.

    Mis en examen, Bayrou peut rester ministre d’État, ministre de la Justice…

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