Liban : Michel Aoun Président !

img-20110630-00163Le Général Michel Aoun vient d’être élu Président du Liban. Il s’agit là d’un événement important pour ce pays si proche de la France par son histoire et qui en est si éloigné par la complexité d’une vie politique tourmentée et mouvante.  J’ai eu l’occasion de rencontrer Michel Aoun lors d’une visite dans ce pays, avant que la guerre n’éclate dans la Syrie toute proche. Au cours de notre échange, c’est sa référence au Général de Gaulle qui m’avait le plus frappé.

Le Liban est un pays qui doit son nom à la montagne, ce Mont Liban, où sont venus se réfugier de nombreuses minorités qui ont su garder leur identité sans cesse menacée. La France a fait en sorte que cette particularité soit sauvegardée en créant une République Libanaise distincte de la Syrie au sein du protectorat dont elle avait reçu la charge au lendemain de la Première Guerre Mondiale et de l’effondrement de l’Empire Ottoman qui dominait la région auparavant. C’était une manière de poursuivre l’amitié et la protection séculaires qui unissaient la France à la majorité maronite du pays à l’époque. Ces catholiques d’Orient ont donc obtenu une place privilégiée dans la constitution de 1926, puis dans le Pacte qui a organisé la vie politique du pays depuis l’indépendance en 1943. En raison de la diminution de leur poids démographique par rapport aux musulmans et du rapport de force établi, cette suprématie a été diminuée lors des accords de Taëf en 1989. Le Président de la République est toujours maronite, mais les pouvoirs du Premier Ministre, nécessairement un sunnite, sont accrus. L’importance du nombre des réfugiés palestiniens puis syriens dans le pays accentue un déséquilibre confessionnel qui menace le pays à terme. Il était donc urgent de redonner vie aux institutions qui préservent son existence.

L’élection de Michel Aoun, qui résulte donc d’un accord, hier encore improbable, entre Saad Al-Hariri, futur Premier Ministre et le Président élu, vient donc à point. Jusqu’à présent deux blocs s’affrontaient, celui du 14 Mars, regroupant les sunnites et les chrétiens, les Kataëb notamment, favorables à l’Occident, soutenus par les Etats-Unis et leurs alliés, ainsi que par les Etats du Golfe et celui du 8 Mars comprenant les chiites du puissant Hezbollah et de Amal, ainsi que la majorité des chrétiens réunis autour du Courant Patriotique Libre du Général Aoun. La Guerre en Syrie aurait pu se propager au Liban, les premiers derrière Hariri, soutenant les rebelles, et les seconds étant engagés clairement aux côtés de Bachar Al-Assad, puisque de nombreux combattants du Hezbollah participent à la lutte contre les rebelles islamistes en Syrie. L’unité du pays semble préservée et même restaurée avec cette élection qui met fin a plus de deux ans de vacance de la Présidence. On peut voir dans ce succès deux marques “gaullistes” du nouvel élu. C’est un patriote, envers et contre tout. Il l’a montré lorsque après avoir été chargé en 1988 par le Président Gemayel de préparer l’élection présidentielle en assumant la tâche d’un Président du Conseil intérimaire, il avait résisté les armes à la main aux Syriens. Chassé du pays, réfugié en France, il est revenu au Liban et avec beaucoup d’habileté et de réalisme, il a construit sa victoire actuelle. Il a gagné les élections législatives au sein du camp chrétien, en élargissant son mouvement en Bloc du Changement et de la Réforme, s’est allié au Hezbollah, la première force du pays sur le plan militaire, s’est réconcilié avec Samir Geagea et les Forces Libanaises, et a reçu l’appui des Druzes de Joumblatt et du PSP qu’il avait vaincus en 1983 à la bataille de Souk El-Gharb . C’est donc un large consensus qui l’a porté au Palais de Baabda. L’élection de celui qui voulait à tout prix chasser les Syriens du pays montre aujourd’hui que la situation s’est profondément modifiée. D’abord, comme il le souhaitait, les Syriens ont quitté le pays en 2005, au moment même où il regagnait celui-ci après un exil de 15 ans en France. La Syrie est très affaiblie par le conflit actuel. Mais l’axe chiite comprenant le Hezbollah libanais, le gouvernement syrien et l’Iran, soutenus par la Russie a tenu bon en Syrie et semble avoir imposé aux sunnites, aux pays du Golfe et à la Turquie, une limite à leurs prétentions. Les menaces qui pèsent sur ces Etats, la montée d’un salafisme révolutionnaire ou la volonté d’indépendance des Kurdes les inclinent à plus de prudence. C’est là une évolution favorable à toutes les minorités, des alaouites aux chrétiens en passant par les Druzes. Il est donc logique que le Liban qui demeure, comme l’ont montré les longues années de guerre civile, une mosaïque fragile, mais ô combien précieuse, trouve dans cette situation, l’occasion d’un renouveau. Puisse le Général Aoun avoir les moyens et le temps de réaliser ce qui a été son ambition de toujours.

 

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