Modernisation des Institutions (bis)

L’ordre du jour à l’Assemblée nationale appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle de Modernisation des Institutions.

Comme je vous le disais, j’ai déposé plusieurs amendements. Voici le compte-rendu :

Article Premier B : suppression du mot “race” dans la Constitution

M. Christian Vanneste – Mon amendement 83 n’est pas tout à fait identique au 177 défendu par M. Mamère : en effet, j’écris « origine » au singulier. J’avais, en son temps, combattu la proposition de loi de M. Vaxès : mais elle portait sur l’ensemble des textes juridiques qui reposent sur la notion de race.

La notion d’origine englobe celle de race, qui est une des formes de l’origine : constatons donc en premier lieu que l’article premier actuel est redondant. Ensuite, on peut reprendre l’argument de M. Robert Badinter au Sénat – le même au demeurant que j’avais opposé à la proposition de M. Vaxès : comment combattre le racisme si l’on supprime le mot « race » de tous nos textes ? Pensons au code pénal : il doit désigner le crime s’il veut le punir. Il faut donc maintenir le mot « race » dans l’ensemble des textes qui ont pour visée de combattre la discrimination ou de la sanctionner ; en revanche, sa présence dans la Constitution peut parfaitement être évitée, et doit l’être. Car, et c’est mon dernier point, la Constitution sacralise les termes ; or le terme de « race » n’y est pas employé de façon explicitement négative : la race est présentée comme l’une des caractéristiques d’une personne, au même titre que l’origine. J’estime qu’au sein de la Constitution, il est bon d’éviter ce terme sans fondement scientifique, dont la seule valeur est idéologique. Conservons-le dans les textes qui combattent le racisme, mais évitons de l’inscrire dans la norme suprême.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Avis défavorable de la commission sur tous ces amendements. La suppression du mot « race » de l’article premier ne le ferait en rien disparaître de notre ordre juridique, puisqu’il figure également dans le Préambule de la Constitution de 1946, dans l’article premier de la Charte des Nations unies, dans l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans l’article 3 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, dans le Préambule de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale – j’arrête là l’énumération pour ajouter que, depuis la première lecture, nous pouvons nous prévaloir du soutien de M. Robert Badinter, qui a indiqué qu’ « il serait incompréhensible que, de l’article premier, nous retirions d’un seul coup ce qui est la condamnation du racisme exprimée dans la Constitution ».

Mme Rachida Dati, garde des sceaux J’ajoute que, dans le contexte de la présidence française de l’Union européenne, une telle suppression risquerait de donner à nos partenaires l’impression d’un recul dans la lutte contre le racisme. Avis défavorable.

Les amendements 177 et 232, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 64, 207 et les amendements identiques 83 et 206.

(…)

Article 3 Bis : Référendum d’initiative populaire (dont je suis à l’origine : rappel)

M. Christian Vanneste – L’amendement 54 a pour objet d’étendre le champ d’application du référendum d’initiative populaire aux propositions « d’importance nationale », formule inspirée de la constitution d’un pays dont il a beaucoup été question : l’Irlande (M. Jacques Myard s’exclame).

Cette disposition a permis à cette démocratie beaucoup plus vivante que la nôtre de soumettre à la population des questions de société telles que la place de l’Église catholique dans l’État, le droit des parents adoptifs, le droit à la vie de l’enfant à naître ou encore la législation sur l’avortement. Sur tous ces sujets, nous croyons détenir la solution, alors que c’est à la population d’en décider en fonction de ses évolutions, de sa sociologie et de ses croyances profondes.

En adoptant le référendum d’initiative populaire, nous moderniserons nos institutions conformément aux inspirations du fondateur de la Ve République, le général de Gaulle. En effet, il n’y a rien de plus gaulliste que le recours au peuple. Le général de Gaulle a non seulement fait adopter l’élection du Président de la République au suffrage universel, mais il a également recouru au référendum à de nombreuses occasions. J’ajoute que le peuple est aujourd’hui mieux informé qu’hier, et souhaite davantage participer à la vie démocratique.

C’est la rareté des référendums qui en a affaibli la valeur. Il est vrai que l’on répond, de plus en plus souvent, à une autre question que celle qui est posée. En faisant appel au peuple avec régularité, sur le modèle des votations suisses, nous rendrons au référendum toute sa validité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

L’amendement 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

(…)

Article 9 : représentation des français de l’étranger

M. Christian Vanneste – Revenons au plan des principes. Nous n’avons pas à nous partager la France en circonscriptions qui seraient de toute éternité de gauche ou de droite. J’ai toujours été contre la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, car elle ouvre la voie, tout naturellement, à la proportionnelle. Le suffrage uninominal par circonscription est un vote de proximité, un vote pour quelqu’un que l’on connaît, que l’on peut juger – et réélire ou non. Pour les Français de l’étranger, ce ne peut être le cas, du fait de l’étendue des futures circonscriptions. Je m’associerai donc à ces amendements, sans pour autant partager certains arguments qui ont été avancés.

Mme Marylise Lebranchu – Voilà un homme courageux !

M. Bertrand Pancher – Avec les socialistes, une idée, c’est automatiquement une dépense : ils n’imaginent pas représenter les Français de l’étranger sans augmenter le nombre de députés. Or, il y en a déjà plus en France qu’aux États-Unis, et ils ont nettement moins de moyens. À qui ferait-on croire qu’on ne peut en répartir différemment le nombre ?

M. Jean-Pierre Soisson – L’Assemblée a fixé de son côte, en première lecture, un nombre maximal de députés, le Sénat en a fait autant pour lui-même. Quant aux Français de l’étranger, qui élisent des sénateurs, pourquoi ne pourraient-ils pas élire aussi des députés ?

M. Christian Vanneste – Ils sont déjà inscrits dans des circonscriptions de métropole !.

(…)

Article 10 : cumul des mandats
M. Christian Vanneste – Au risque de choquer les oreilles laïques, je dois m’avouer croyant, mais non pratiquant. Je ne pratique pas le cumul, mais je crois en ses vertus. Car ce sont bien deux religions qui s’affrontent. La première est celle du scrutin uninominal, où l’on élit une personne précise, son Président de la République ou son député par exemple. Et il y a un lien manifeste entre un mandat de parlementaire et un mandat local : le cumul permet de créer une interaction, de nourrir au quotidien son travail parlementaire à l’expérience des problèmes rencontrés dans les circonscriptions (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

L’autre religion est celle du vote à la proportionnelle, où un parti désigne une liste et où l’on vote en fonction d’une étiquette politique. C’est là, Monsieur Lagarde, qu’on trouve des apparatchiks ! Dans ce système, ce n’est pas l’électeur qui reconnaît son candidat, mais le parti qui décide. Je pense que notre système est sain, parce qu’il repose sur le vote uninominal, et que le cumul des mandats est une condition de son équilibre. Mais je suis aussi d’accord avec M. Lagarde pour souhaiter approfondir à la fois le travail parlementaire et le travail local. Il faut un équilibre entre les deux, de même qu’il faut moins de présence dans l’hémicycle et plus de travail en commission (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

(…)

Article 12 : suppression des résolutions

M. Christian Vanneste – Mon amendement 56 supprime cet article, comme l’Assemblée l’avait fait en première lecture. Le Sénat l’a malheureusement rétabli. Mais cet article est un trompe-l’œil. Montrer de la résolution, c’est être résolu à agir. Pour cela, nous avons la loi. Pourquoi nous contenter de parler ? Et si résolution renvoie à résoudre, là encore, nous avons la loi.

Le texte du Sénat comporte cependant une limitation, car la résolution présente un danger pour le Gouvernement. Si nous avions voté une résolution hostile à la Chine au moment de la traversée de Paris par la flamme olympique, cela aurait mis en difficulté le Président de la République. De ce fait, on nous propose désormais une résolution anesthésiée, qui n’a plus de portée réelle. La résolution est une immixtion du législatif dans l’action de l’exécutif, comme le disait M. Habib-Deloncle en 1959, et maintenant une immixtion impuissante.

Continuons, comme le souhaitait la mission Balladur, à exercer notre fonction tribunicienne. Mais quand les tribuns du peuple à Rome n’avaient que le pouvoir de la parole, nous avons celui de faire la loi. Nous avions le pouvoir d’intercession ; nous allons le perdre au profit d’un médiateur de la République aux pouvoirs élargis. Mais ne nous replions pas sur celui de la parole. La République laïque n’a pas pour vocation d’émettre des vœux pieux. Si le Parlement doit être plus efficace, c’est en évaluant la loi et en en contrôlant l’exécution.

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